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Mes souvenirs à partager: une jeunesse en Afrique Equatoriale Française AEF, Une vie de famille, et la suite...

Tome3 : (DAI) Chapitre 9 : La mosaïque des contrées Camerounaises

Chapitre 9 : La mosaïque des contrées Camerounaises

 

Nous sommes restés au Cameroun trois années. Les congés de Pâques et de Noël, notamment, furent des opportunités de découverte de la mosaïque, de la diversité des pays et des populations qui composent le Cameroun. Souhaitant rafraichir ma mémoire sur le découpage provincial du Cameroun, j’ai constaté que de sept le nombre des provinces est maintenant passé à dix… J’ai donc décidé de continuer ma narration en restant sur le découpage administratif de l’époque. D’autre part, je vais donner sur les lieux et les gens des avis, des opinions, je te demande, toi qui va peut-être me lire, de considérer que tout ce que j’ai écrit est un ensemble de vérités, de mes vérités. Nul n’est tenu de les croire, mais ce sont celles qui me restent trente-cinq ans plus tard.

Ces appréciations portées à propos de tel ou tel groupe ethnique camerounais sont tout à fait caricaturales, elles n’ont pas plus de valeur que si j’écrivais à propos de groupes ethniques français les affirmations telles que :

- Les marseillais sont des hâbleurs, des menteurs invétérés…

- Les bretons vivent dans les bistrots de leurs villages, ce sont des buveurs impénitents…

- Les parisiens sont les pires conducteurs de la République, ce sont de dangereux écraseurs…

- ou bien, du côté de Perpignan : Catala, Bourou ; Gabatch, Porc…

 

Cette précaution épistolaire n’est là que pour excuser certaines caricatures des contrées et des populations que je vais évoquer. Ce seront parfois des descriptions sculptées à la hache, souvent fort éloignées des réalités quotidiennes…

Le Canard camerounais

Le Canard camerounais

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En matière de circulation routière, il convient de préciser qu’à l’époque évoquée, le réseau routier n’était pas ce qu’il est devenu, une décade plus tard. Je n’en veux qu’un seul exemple, celui du circuit triangulaire reliant Yaoundé, Bafoussam, Douala…

L’importance économique de Douala trouve son origine dans les activités commerciales et industrielles qui se sont développées autour du grand port en eau profonde, protégé dans l’embouchure du fleuve Wouri. Douala est la Capitale économique.

Comme dans plusieurs pays de la côte ouest africaine, la capitale politique, Yaoundé, a été implantée et développée du temps de la colonisation à l’intérieur des terres, en altitude, sur le plateau africain à la recherche d’un climat un peu moins chaud et surtout un peu moins humide que celui qui sévit sur les villes côtières, tout cela, il y a maintenant bien longtemps à l’initiative et peut être pour le petit confort de quelques administrateurs coloniaux. Voici le deuxième sommet du triangle routier évoqué plus haut.

Bafoussam en est le troisième sommet. Il s’agit de la capitale de l’Ouest, de la métropole du pays Bamiléké, du nid des peuples qui entreprennent, produisent… Ce sommet est aussi voisin de Dschang, sur le haut de la falaise qui domine la plaine des M’Bo, si ma mémoire est bonne, station climatique accueillant les notables résidant à Douala (du temps de l’AEF, bien sûr !).

« L’axe lourd», ce triangle routier, qui ne sera goudronné que dix en plus tard, est dès notre époque, les années 80-83, le dangereux cordon ombilical entre Douala (Littoral), Yaoundé (Centre Sud), Bafoussam (Ouest)…

Voilà situées trois provinces…

 

 

Le Nord, le « Bec de canard » est un ensemble territorial où l’on se rend en train lorsque l’on souhaite amener sa voiture. Une nuit permettra le voyage entre Yaoundé et N’Gaoundéré (Adamaoua), le véhicule embarqué sur le train évitera la monté périlleuse et aléatoire d’un déplacement routier, vers le nord, par Ntui, Yoko, Tibati…

Au-delà de N’Gaoundéré, plein nord par une route bitumée excellente (à l’époque ! today we never know …), à travers le vaste plateau on trace la route vers Garoua et Maroua… C’est le Nord.

Toujours depuis Yaoundé, une possibilité est de partir en voiture plein sud vers Mbalmayo. Là deux options, vers le Sud-Est, c’est la route de Sangmélima ; vers le Sud-Ouest, on se dirige vers Ebolowa qui ouvre la route vers le Gabon ; Lambarene... Dans les deux cas, on se dirige vers le pays Boulou, le pays de Paul Bia …

Vers l’Est depuis Yaoundé toujours, Il est un chemin que je pris à plusieurs reprises en direction d’Ezeka, puis à Edéa la encore une nouvelle alternative ; vers l’Ouest en direction de Douala, c’est la Province du Littoral, Plein Sud nous nous orientons vers Kribi et ses merveilleuses plages…

Dans ce panorama il y a une grande omission, la route de l’Est, le chemin vers Nanga Eboko,…, Berthoua, vers la forêt primaire… Je n’ai jamais été dans l’Est Cameroun au cours de ces années-là. Il faut fouiller dans ma mémoire d’enfant pour retrouver en 1953 un voyage du patronage Saint-François de Brazza jusqu’à Ouesso sur la Sangha, au point de rencontre du Moyen-Congo, de l’Oubangui-Chari et du Cameroun… A long time ago! C’était du temps de l’AEF (Afrique-Equatoriale-Française).

Nous allons vagabonder dans ces merveilleuses provinces qui composent la mosaïque camerounaise.

 

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C. 9.1 Une visite au Cap Canaveral camerounais.

Pour moi, en Afrique, la maison est peuplée par la famille : Béatrice, Frédéric, Guillaume, Alexandre et, bien sûr, Marion ma fille préférée ! Mais ce n’est pas tout, je crois l’avoir déjà dit, il faut aussi compter avec le personnel de service.

Au cours de la première année 80-81, nous étions logés en appartement… Il n’y eu donc qu’une seule personne en charge de la maisonnée et cet élu, vous le connaissez, il s’agit d’André que j’ai déjà évoqué…

Au cours des années suivantes, lorsque nous fumes enfin logés dans la « Case du Directeur » à Tsinga, la famille s’est agrandie d’une lavandière Thérèse, d’un gardien de nuit « Watchman », d’un jardinier, vous savez, celui que Béatrice a embauché alors même qu’il était ivre…

Le Boy André, le watchman Moussa autour du véhicule du Directeur.

Le Boy André, le watchman Moussa autour du véhicule du Directeur.

 

André est un Eton, il est, je vous l’ai déjà dit, de Sa’a, non loin de Obala. Les « Eton » ne sont pas considérés par leurs frères comme faisant partie des plus futés !

- Ah ! Tu as un boy Eton ? Tu as un ressortissant du Cap Canaveral Camerounais…

- C’est quoi cette histoire ?

- Tu ne connais pas ? Là-bas, chez les Eton, ils expédient les cosmonautes…

Devant mon regard interloqué, le maldisant du jour fini par passer à l’explication de texte.

Chez eux, ils accrochent une longue corde à la tête d’un très long palmier. On tire sur la corde pour fléchir le tronc. Le cosmonaute du jour est soigneusement installé entre les palmes maintenant proches du sol. Puis devant la foule assemblée, le maitre des cérémonies est chargé de couper la corde…

- Le cosmonaute est projeté dans les airs…

- Jusqu’où ?

- La-bas, dans la brousse…

- Pourquoi me racontes-tu cette histoire à propos des Etons ?

- Parce qu’on trouve toujours un volontaire pour prendre place sur cette catapulte…

Cette anecdote africaine, m’a brusquement ramené à ma préadolescence, lorsqu’en congé en Europe, je me suis occasionnellement retrouvé chez mes grands-parents maternels. Le Pépé Klély, Etienne, avait dans sa jeunesse fait près de quinze ans de marine, comme simple matelot… Il avait lui aussi une histoire ressemblante…

- Ils sont cons ces marins Bretons !

- Mille fois nous avons placé l’un d’eux au milieu d’une grande bâche, tenue tout autour par une vingtaine de congénères. Aux ordres d’un Maître, en cadence, nous tirions sur les bords de la bâche, projetant l’infortuné volontaire, par étapes successives, de plus en plus haut. Et à un certain moment, au refrain de je ne sais quel chant, la bâche était lâchée, laissant la balle humaine s’écraser sur le pont.

- Pépé, pourquoi un Breton ?

- Dans un équipage pour un catalan on ne trouvait pas moins de dix Bretons. Au hasard, ça tombait presque toujours sur eux…

Voilà comment se forgent les réputations de communautés !

* *

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Revenons aux raisons de ce voyage en pays Eton.

La fin d’un repas méticuleusement préparé par les soins d’André est l’occasion d’un bavardage avec le Patron…

Ce jour-là, André ne rejoint pas immédiatement sa cuisine, il se tord bizarrement les mains…

- C’est quoi même, André ? Tu as un Problème ?

- C’est compliqué, Patron, les sorciers-là dérangent. Ils n’ont déjà pris deux enfants !

- Expliques, je ne comprends rien…

- Avec les voisins, au village, il y a un problème de bornage. Ils veulent couper un morceau du terrain… Comme je ne suis pas d’accord, ils ont fait la sorcellerie et me prennent chaque fois un enfant ! Ça fait deux, déjà…

Tome3 : (DAI) Chapitre 9 : La mosaïque des contrées Camerounaises

- Je fais quoi là-dedans ?

- Avec ma femme, on a discuté et on a trouvé moyen. Le prochain arrive, on veut lui donner le nom d’un blanc.

- Pourquoi ?

- La sorcellerie, ça ne marche pas sur les blancs… Alors on a pensé, si vous voulez bien, qu’il s’appelle « Daniel Guitard »…

Voilà comment, je suis devenu le fils de mon boy, ou qu’André est devenu mon père !…

L’enfant est nait, mais pour être sûr que les sorciers soient informés, il a fallu organiser le voyage au pays des cosmonautes camerounais…

Sur la route de Sa’a, vers le nord de Yaoundé, nous avons fait une halte à Obala, au Luna Park. Il est tellement beau se Parc ! J’y reviendrai 15 ans plus tard, nous en reparlerons…

Luna Par d'Obala

Luna Par d'Obala

En poursuivant vers le Nord, la route est barrée par la Sanaga que l’on traverse encore, à l’époque, par un bac.

Tome3 : (DAI) Chapitre 9 : La mosaïque des contrées Camerounaises

Nous arrivâmes au village, où de nombreux copains de Daniel Guitard nous attendaient.

Les copains au village

Les copains au village

Tome3 : (DAI) Chapitre 9 : La mosaïque des contrées Camerounaises

André, sa femme, étaient contents ! Déjà, il était toujours là…Jusque-là, les sorciers n’ont rien fait .

La réunion fut étrange, gaie, festive…

Les uns ont amenés des petits cadeaux, un jeune porcelet marchandé en bord de route. D’autres étaient occupés à une récolte de vin de palme. Pour une fois, quelque chose de nouveau pour moi. Jusque-là, je connaissais la cueillette du vin de palme qui consistait à monter au sommet d’un palmier, à y implanter sous le bouquet palmes une calebasse qui se remplissait lentement et que le cueilleur venait récolter une fois pleine.

Tome3 : (DAI) Chapitre 9 : La mosaïque des contrées Camerounaises

Ici, la récolte est brutale!

Les tissus végétaux, qui entourent les pieds des palmes, sont utilisés pour équiper la tête du cœur du tronc du palmier (que chevauche l’opérateur sur le liché). Il s’agit de former un entonnoir qui va alimenter par gravité la dame jeanne de stockage.

Tome3 : (DAI) Chapitre 9 : La mosaïque des contrées Camerounaises
Voyez l’utilisation des ligatures végétales

Voyez l’utilisation des ligatures végétales

Et au bout, la dame jeanne…

Et au bout, la dame jeanne…

N’est-il  pas fier, cet invité, de nous montrer le travail du village ?

N’est-il pas fier, cet invité, de nous montrer le travail du village ?

Une mienne nièce depuis disparue sur la planète danse avec la vieille Maman!

Une mienne nièce depuis disparue sur la planète danse avec la vieille Maman!

Les deux frères et leur Maman…

Les deux frères et leur Maman…

Quelques semaines après cette fête à Sa’a, l’épouse d’André est venue à Yaoundé, elle nous a rendu visite en compagnie de Daniel Guitard.

        Opération réussie, il est toujours vivant…

        Pour conclure ce voyage au pays des Etons, je voudrais évoquer un dernier souvenir…

        Quelques années plus tard, à l’occasion du 20ème anniversaire de l’Ecole, je crois me souvenir, J’avais été logé à l’Hôtel des Députés, dans une chambre avec vue sur ce petit lac où j’avais treize ans plutôt pratiqué la planche à voile !!!

        Un soir, peu avant le repas, un agent de service frappe à ma porte…

- Oui ! Entrez.

- Monsieur le Directeur, il y a là un quelqu’un qui veut vous voir.

- C’est qui même ?

- Il dit que c’est  « André », il est accompagné d’un garçon.

        En effet, c’était mon fidèle André qui, alerté par Radio-Trottoir est venu me présenter Daniel Guitard. C’était devenu un beau et solide garçon d’une douzaine d’années, bien vivant !

        J’ai craint un instant qu’une demande d’accueil en « Mbengue » de ce gentil marmiton soit formulée. Il n’en fut rien, c’était une visite de civilité, pour le petit et pour moi aussi… J’ai pu ainsi me revoir.

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