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Mes souvenirs à partager: une jeunesse en Afrique Equatoriale Française AEF, Une vie de famille, et la suite...

Tome 3 : (DAI) Chapitre 5 : La vie de l'école: Un évènement mondain... La Suite (1)...

Chapitre 5 La vie de l’école : Un évènement mondain…

La suite(1)...

 

    Il n’y a pas que des problèmes d’administration à gérer, il y a aussi de temps en temps des mondanités à satisfaire… Comme je l’ai indiqué plus haut, le Directeur de l’école doit assumer les obligations qui lui incombent du fait de sa position dans la hiérarchie  de l’Etat. Lorsqu’une manifestation nationale implique les agents de l’Etat pour le moins au niveau quatre, le Directeur de Polytech est concerné. Qu’il le veuille ou non, il est mobilisé…

Il me revient l’une de ces missions mondaines que nous eûmes à assumer à la mi-novembre 1981. Il s’agissait de l’inauguration du barrage hydroélectrique de Song Loulou par le Chef de l’Etat…

L’intérêt majeur pour moi, en cette fin de première année de mandat, fut de m’enfoncer un peu plus dans ce pays Bassa des alentours d’Edéa, jusqu’à côtoyer le pays Yabassi. Tout cela n’est pas très clair dans ma mémoire, mais les émotions furent fortes pour des raisons qu’il m’est difficile d’exprimer clairement, mais que je vais tenter de faire comprendre.

Au jour et à l’heure dite je me trouve, conduit par mon chauffeur, Pascal dans le véhicule de fonction, un 4x4 Toyota, sur le site de l’inauguration de ce fameux barrage, sur la Sanaga (que vous connaissez déjà, car, bien en amont, ce fleuve alimente les chutes de Nachtigal au nord de Yaoundé) une cinquantaine de kilomètres en amont du barrage d’Edéa.

Je descends de  mon véhicule et me retrouve comme un cachet d’aspirine dans un sac de grains de café torréfiés. Le seul blanc, parmi tous ces noirs. Cela, sur le moment, ne m’a aucunement impressionné, mais dans les instants qui suivirent j’ai senti, venant de derrière moi, une main qui pris fermement la mienne ! Un vif regard au-dessus de mon épaule me renseigne sur l’identité de ce geste incongru. Il s’agit d’Eben Moussi !

Eben Moussi est l’un de mes collègues de l’Université, mon alter ego au sein du Centre Universitaire des Sciences de la Santé, le CUSS. Un flash m’inonde, Eben est d’ici, c’est un Yabassi, je crois.  Il est chez lui…

Là où les interrogations me submergent, c’est lorsque cette prise en main, cette manière de me tenir par la main, puis par le petit doigt s’éternise ; lui, l’homme des lieux, me mobilise tout au long de cette longue cérémonie, émaillée de plusieurs éminents discours, d’un repas,…

Quel est le sens de tout cela ?

Eben Moussi n’est, pas plus qu’un autre,  un complice au sein de l’université. Je sais d’autre part qu’il est le père de très jolies filles (au moins deux, d’où le pluriel), mais je sais cela par l’entremise de mes deux fils ainés, Frédéric et Guillaume forts intéressés par les jolies filles.

J’eus ce jour le privilège de toutes les bonnes occasions, cornaqué que je fus  par mon collègue médecin.

Il m’est venu à l’idée que la plus pertinente explication du kidnapping dont je fus l’objet ce jour, était que j’étais aux yeux de tous, de la population, le moins pire partenaire du jour, je n’étais ni Bassa, ni Bamiléké, ni du Nord, ni du Littoral et pas encore du Sud…

Nous n’eûmes, Eben et moi, jamais l’occasion de reparler de cette aventure. J’étais pour ma part en terre inconnue, il était quant à lui en terre très ou trop connue.

*  *

*

        Parlons encore un peu mondanités…

En cette première année de mandat, il advint que le chef de l’Etat reçut un panel des chefs d’Etats Africains. Nous fûmes conviés au Palais Présidentiel, encore au moins jusqu’au rang quatre. Ce fut l’occasion d’un gigantesque repas protocolaire suivi d’animations dont les plus marquantes furent des danses traditionnelles représentatives de toutes les ethnies du territoire, enfin de presque toutes, elles sont si nombreuses que plusieurs nuits auraient été nécessaires pour les admirer toutes…

        C’est à cette occasion que j’ai pu voir pour la première fois le Chef de l’Etat, Son Excellence le Président Amadou Ahidjo accompagné de Madame.

        Cette manifestation nous valut de bénéficier de spectacles en Bonus. En effet, la case qui faisait face à la nôtre à Tsingua a accueilli pendant plusieurs jours une troupe représentant des Etons ou des Bafias je ne sais plus exactement. Marion, ma fille, qui était devenue amie de l’une des filles de la maison voisine, a pu observer ces étranges spectacles, des yeux arrondis de curiosité et le visage orné d’un délicat sourire de joie incrédule… (Pompier!  isn’t it ?).

        Une autre occasion, bien singulière me fut donnée de rencontrer le Chef de l’Etat…

        Mon collègue Claude Bonthoux est revenu au Cameroun, en charge cette fois de la mise en place du Campus de Ngaoudéré, La faculté des Sciences Agronomiques. Cette fois. Claude est accompagné de deux sbires avec lesquels il fait équipe depuis plus de dix ans, à la création de l’ENSPY d’abord, en 1971, jusqu’à la Création du Campus de Ngaoundéré en 1982. Michel pour l’un et XXX pour l’autre, décédé peu d’années plus tard.

Ngaoudéré est la ville de l’Adamaoua, terminus au nord de la voie de chemin de fer  Douala, Yaounde, Ngaoundéré. Elle est, à la sortie nord du bassin forestier, la porte ouverte vers les plateaux du nord, l’accès au Bec de Canard.

Je me trouve en mission dans le nord, sans un souvenir précis de l’objet de cette mission, Claude m’accueille sur son nouveau terrain de jeu, je visite le chantier. Les accès, encore défoncés par les engins de chantier,  nous permettent d’accéder laborieusement aux différents bâtiments déjà sortis du sol. Nous explorons les salles de travaux pratiques, partiellement équipées des réseaux électriques, pneumatiques et d’eau.  Nous auscultons les paillasses et autres aménagements pédagogiques en cours de mise en place.

Brusquement, un frisson, une émotion, traverse le petit peuple qui à distance respectable observe notre visite, un planton empressé s’adresse à l’oreille de Claude, une visite impromptue s’annonce !

Nous nous rapprochons de l’accès du bâtiment, non encore aménagé, la rampe d’accès n’est pas encore en place, et constatons qu’un long véhicule aux vitres teintées (on pourrait dire « une Américaine ») s’approche lentement au plus près du bâtiment.

Chose étrange, de la porte arrière gauche surgit un gendarme au béret Rouge, un gendarme, qui se précipite pour ouvrir la porte avent gauche ! La porte du chauffeur !! Bizarre, d’habitude le garde émerge de la porte avant droite et ouvre la porte arrière droite…!

La porte avant droite ouverte, le garde fait un pas en arrière. Et alors, très lentement sous la porte apparait une babouche, un soulier, je ne me souviens plus exactement ! Puis lentement cérémonieusement ce dégage du véhicule un homme, pas très grand, portant lunettes noires et le bonnet traditionnel arboré par les notables du nord. La gandoura d’un blanc éclatant est déployée, un geste du bras droit, puis du bras gauche, rejette élégamment les pans de cette immense robe sur chacune des épaules. Son excellence le Président Amadou Ahidjo se présente en l’absence de tout protocole sur son chantier.

Claude qui semble très bien connaitre le chef de l’Etat fait de brèves présentations, lequel clos ce bref moment par un :

  • Ah, c’est vous ! Montrez-moi comment les choses ont évolué…

J’aurais très bientôt encore à faire avec le président, mais ce fut avec l’intermédiaire de la radio diffusion et celui du Premier Ministre Paul Biya. C’est une autre histoire.

*  *

*

De retour des congés de l’été, en septembre 1981, nous avons intégré « la case du Directeur », pas trop éloignée de l’appartement que nous avions occupé l’année précédente.

Placée sur une petite rue parallèle à l’Avenue de Tsinga la case domine la Briqueterie, le quartier musulman. Nous avons une vue directe sur la modeste medersa et lorsque je me rends à l’Ecole en véhicule, matin et soir, en traversant la Brique, j’entends les piaillements rassurants des enfants qui fréquentent l’Ecole Coranique. En effet, les trajets Ecole-Maison je les fais en conduisant moi-même mon véhicule de service, le chauffeur à ces moments libres.

Directement en face de chez nous, de l’autre côté de la rue il y a l’« Auberge du Centre Sud », il ne fallut pas plus de quelques semaines pour que la maisonnée soit initiée du caractère mondain de la dite auberge. Il semblait que les après-midi étaient particulièrement favorable aux va et vient « galants » ! Mes gaillards de fils étaient attentifs à de tels détails.

En remontant la rue sur la gauche, à moins de Trois cent mètres, on aboutit sur la petite place devant la mosquée de Tsinga. Nos pratiques religieuses ne nous conduisaient pas particulièrement vers la mosquée, mais en revanche, sur cette place il y avait une boucherie de quartier qui sous le auvent d’une case couverte de tôles, présentait les quartiers débités à la demande. Pas trop tard dans la matinée, avant l’invasion des essaims de mouches, il était possible de venir acheter de beaux morceaux de viandes de bœufs. Il fut rapide à Béatrice de commander le filet désiré au jour et à l’heure dite que venait chercher notre boy « André » lequel  vous connaissez déjà, l’homme de Saa !

Avant la fin du premier mois de résidence à Tsinga, tout un chacun dans la maisonnée comprit l’impossibilité d’accéder à la case en véhicule le vendredi midi… Notre rue et les rues avoisinantes étaient en effet, à ce moment de la journée, submergées par ces innombrables piétons en gandoura, portant roulés sous le bras des tapis de prière. C’était la prière hebdomadaire…

Toujours depuis notre maison, en prenant la rue sur la droite, en descendant sur une  centaine de mètres on aboutit  à un petit carrefour qui abritait malheureusement trop souvent un tas d’ordures qui échappait au service de ramassage des éboueurs (probablement inexistant alors !).

Au voisinage de ce carrefour, résidaient deux personnes importantes :

L’un est un ami, Roland Wandji, alors, Vice-Doyen de la faculté des sciences et conseiller de Monsieur le Recteur, il avait épousé, suite à son séjour à Nancy, une Lorraine, une « payse » de mon épouse, lorraine elle-même. Nos enfants, se fréquentèrent… Quant à Roland, je l’évoquerai très bientôt, à propos d’une burlesque aventure au sein de l’Université.

Une autre personne résidait au voisinage de ce carrefour, il s’agissait d’une Princesse  Bamoun, une sœur du Ministre Ndam Njoya. Je n’ai eu l’occasion de la croiser qu’une fois, je descendais la rue, elle la montait. Elle me salua très chaleureusement, elle me reconnaissait et moi ? Je n’ai le souvenir que d’une Jeune femme dynamique, pas très grande, enveloppée dans un boubou aux mille couleurs chatoyantes…

Nous avons vu le voisinage de la case, il me plait de vous entrainer à l’intérieur au sein de la nouvelle famille…

*  *

*

Il est temps pour moi d’évoquer certaines des surprises qui de mois en mois se sont accumulées à propos de cette Afrique Indépendante que je redécouvre à l’occasion de ces missions de courte durée et même en l’occurrence de longue durée.

Quand j’étais petit, puis jeune, en AEF, à Brazzaville, à Pointe Noire, sur le territoire, il y avait des blancs, mais parmi eux, il y avait des « Blancs », mais aussi des « Petits Blancs».

Les Blancs, je ne les ai pas ou peu connus, car ils était trop hauts et partaient en congé en Europe tous les ans. Nous les Petits Blancs ne retournions en Europe que tous les deux ou trois ans. Cette différence du rythme des congés passés en Europe, en Métropole disait-on, n’a pas permis, à mon sens, à mes parents à mieux découvrir l’Afrique. J’y reviendrai, plus loin …

A contrario, pendant ces congés annuels, nous les enfants des petits blancs, nous passions ces deux ou trois mois, ici ou là dans les missions de brousse sous la houlette des Pères Blancs et encadrés par  des Frères. En d’autres occasions je me suis retrouvé par exemple dans un village que j’ai certainement évoqué par ailleurs, des blancs, anciens d’un maquis en France, soucieux de ne pas se séparer à la fin de la guerre en Europe se sont expatriés avec leur famille au Moyen Congo, pour créer non loin de Baratier un village agricole. Ils accueillaient dans leur village des enfants pour la période des grandes vacances. Ces séjours furent pour nous l’occasion de rencontrer l’Afrique profonde. Ici, ou là, c’était pour nous l’occasion de rencontrer des camarades africains de nos âges, en dehors du cadre scolaire, hors la ville, et de pouvoir côtoyer la vie  profonde du village (africain !), de découvrir la case du père, environnée des deux ou trois cases des mamans, car ils avaient très souvent plusieurs mamans nos camarades, de faire la connaissance de ces si nombreux frères et sœurs de nos amis… Il devint normal alors pour obtenir quelques éclaircissements lorsque l’on nous présentait un « Frère », d’interroger très naturellement :

  • Ton frère ? Même père, même mère ?

Nous les enfants, savions mieux que nos parents, combien la vie de nos camarades africains était différente de la nôtre, combien leurs coutumes étaient riches et mystérieuses.

Je n’en veux qu’un exemple.

J’entends encore ma mère :

- Ces noirs sont impossibles, des fainéants ! Pour un oui ou pour un non ils sont absents. Le lendemain de la paye, tu peux être sûr qu’il ne viendra pas travailler ! Il va encore me dire que c’était l’enterrement de sa mère… C’est la troisième fois en deux ans qu’il l’enterre !

Je n’ai jamais réussi à faire comprendre à ma mère que toutes ces excuses n’étaient pas à coup sûr toutes fausses.

Elle n’a jamais cru qu’à l’occasion d’un deuil dans la famille, on se devait d’être présent et les deuils ne préviennent pas toujours.

Dans certaines coutumes, toujours à l’occasion d’un décès, il advient que le fils, le frère ou le cousin hérite d’une charge, notamment financière que l’on ne peut le plus souvent assumer qu’en achetant une tontine, ou en apportant son salaire au village… Et puis, il est malchanceux celui qui perd en vingt-quatre mois deux ou trois mamans…

Tout cela était pour moi du domaine du possible. Maman ne pouvait admettre ma naïveté… (Elle était dure, très dure ma Maman, pour ses boys, mais pours ses fils aussi, même si j’étais, disait-elle, son préféré. Je n’ai plus peur aujourd’hui car elle est décédée voici huit mois, à l’âge de Quatre-vingt-quinze ans. Ce qui m’inquiète depuis est qu’elle n’avait que vingt-deux ans de plus que moi ! Alors maintenant, je pense trop souvent à mon tour…

Quel rapport a tout cela avec l’école polytechnique, vous allez le voir.

L’Ecole est construite sur la colline de Mélen, Il y avait sur le site une plantation de palmiers, qui à mon époque étaient de vieux et rares palmiers ; vieux, parce que leur tronc pour atteindre le bouquet de palmes mesuraient de sept à huit mètres ; rares, parce que les bâtiments construits avaient clairsemé la plantation.  Y avait toutefois, parmi les agents de service de l’école, au moins un agent, sinon plus, dont la vocation subsidiaire était de… cueillir le vin de palme. J’avais fait connaissance plus approfondie de cet agent à l’occasion d’une inspection d’un local douches-toilettes un peu isolé de notre établissement où je l’avais découvert, au milieu de son matériel de cueilleur de vin de palme, rond comme une queue de pelle. Il avait abusivement gouté à sa production…

Sévir, ou mansuétude ? Là est la question ! Monsieur l’Intendant, je crois, ou David Bassop, je ne sais plus, me firent pencher vers l’absolution, il y en allait de la santé des quelques palmiers qui subsistaient sur la colline de Mélen.

Or ce même agent avait pour service l’entretien des couloirs du bâtiment des bureaux de Génie Civil, couloirs qui avaient pour moi une importance particulaire, car c’est là que j’avais été affecté durant mes précédentes missions! (on s’attache à des bêtises).

Vous le savez maintenant, entre les tropiques, lorsque le soleil passe au zénith, c’est que vous êtes en saison des pluies et lorsqu’il pleut à Yaoundé, les mille et un visiteurs qui pénètrent dans nos locaux pataugent dans une mer de boue qui, lorsqu’elle s’accumule, dénonce l’absence de l’agent de service en charge de nettoyage.

Les couloirs du Département Génie Civil sont abusivement boueux, j’en conclue que notre cueilleur de vin de palme est absent. Je convoque dès que… Je demandais alors à cet agent :

- C’est quoi ? Tu n’es pas au service ? C’est quoi même ?

(J’avoue que là, le vouvoiement de service n’était pas d’usage.)

  • Patron, c’est ma vieille maman…

-  Montre-moi.

Je lui prends les poignets les retourne et regarde à la recherche de scarifications. Elles étaient là. C’était bien un deuil…

Radio trottoir, toujours elle, m’avait dit que dans certaines ethnies les personnes proches d’un deuil pouvaient avoir de telles marques à l’intérieur des poignets. Cette fois-là, à ma grande surprise, je suis tombé sur ces signatures.

 

*  *

*

A la maison, qu’en est-il ?

Ayant quitté l’appartement, nous avons occupé la case du Directeur, enfin libre en ce septembre 1981, ce fut une débauche d’élagage au sein de la concession (Pour moi, en Afrique, on habite dans une Case, qui est sur une Concession…), en particulier, il fallut éliminer quatre-vingt-quinze pour cent des bougainvilliers qui submergeaient la terrasse du premier étage de la case. Nous reviendrons sur l’agencement de la case. Il m’importe ici d’évoquer la mise en place du personnel.

Deux personnes sont importantes dans le choix du personnel que nous allions embaucher.

Béatrice d’abord qui avait sur ce plan une dominance. Mais « André », notre boy de l’année précédente, avait sinon son mot à dire, du moins  son assentiment à manifester sur les embauches.

Une adjointe à André, nous l’appellerons « Thérèse », fut recrutée en charge de l’entretien du linge et des nettoyages. Pour caricaturer Thérèse, il n’est besoin que de conter une anecdote, à moi relatée par Béatrice.

Thérèse est assise sur une marche de l’escalier, le menton enfoui dans ses poignets, le regard au loin dans la brume humide qui recouvre la Brique.

  • Thérèse, ça va ? tu fais quoi ? dit Béatrice.
  • J’attends,  le linge est en train de  sécher, Madame.
  • Mais il pleut à verse, Thérèse !
  • Ah ! Madame…

 C’est Thérèse ! Ma mère l’eut virée sur l’heure ;  chez nous, elle restera deux ans.

 

        Un autre miracle de notre concession, fut le recrutement de notre jardinier. Un jour, un barbu titubant pénétra sur la concession. Béatrice l’accueille :

  • Tu es soul ! Complètement soul. Que fais-tu là ?
  • Ah ! Madame, je suis soul, mais je veux du travail, s’il vous plait !
  • Bien couches-toi là, on va discuter plus tard.

Résultat de l’opération, celui-là fut embauché à la condition qu’il n’arrive pas soul sur le chantier.

Mais, quelques jours plus tard, Béatrice l’a rassuré :

  • Bon, tu as fini ton travail, maintenant tu peux aller te souler.

Il allait alors dans notre arrière cuisine chercher deux ou trois canettes de bière. C’était sa ration admise, mais après, pas avant. De ce que l’on m’en a dit, il arriva dorénavant à jeun.

Enfin, un autre individu supervisait nos nuits, sans que nous ne le sachions toujours, le Watch. Peut-être fallait-il dire le gardien de nuit !

De la tombée de la nuit au lever du jour, le Watch watchs. Il surveille, nous dormons tranquille parce qu’il veille sur nous.

Notre watch, n’eut qu’un seul contradicteur, Guillaume, lequel, au cours de la troisième année,  habitait le studio au rez de chaussé de la case.

- Si tu dis au Patron, quand je suis sorti, ou quand je suis rentré, moi je dirai que tu dormais pendant le service…

Je n’ai jamais su de la bouche du gardien que Guillaume soit sorti durant la nuit…

Tome 3 : (DAI) Chapitre 5 : La vie de l'école: Un évènement mondain...  La Suite (1)...

 

*  *

*

- Mais alors, pourquoi avez-vous autant de personnel ?

- En acceptant les obligations de la charge de Directeur ma rémunération mensuelle a été doublée. En assumant les salaires de quatre personnes à notre service, ici, à Yaoundé, j’ai le sentiment de contribuer à la survie de quatre familles, de probablement plus de vingt à trente personnes.

Là aussi,  je constate que la vie des blancs, principalement des « expatriés », n’est plus comparable aux souvenirs de l’Afrique de mon enfance… Les épouses de nos collègues tolèrent  dans leur intérieur, une personne, rarement plus. Et chose pour moi absolument étonnante, certaines n’ont aucun personnel à leur service !

Il était pour moi, pour Béatrice aussi, une obligation que de donner le maximum d’emplois autour de nous. Ces quatre salaires n’étaient en définitif qu’une raisonnable fraction du supplément de salaire qui m’avait été octroyé lors de mon engagement.

Béatrice… Mon épouse, dans les toutes premières semaines de son arrivée à Yaoundé s’était persuadée qu’il lui fallait décrocher un emploi. Elle a remué ciel et terre, elle a labouré profondément, il lui fallait obtenir un poste et certainement dans le domaine sur lequel elle avait jeté son dévolu, après avoir subtilement fouiné dans les différents ministères, allant jusqu’au plus près de l’immense de la puissante Ministre en charge de la santé, Madame Delphine Tsanga…

Béatrice, fit savoir en haut lieu, en aussi haut lieu que possible, que faute d’obtenir un poste, un travail qui l’occupe, le Directeur de L’Ecole polytechnique mettra fin à son contrat dès la fin de cette première année…

Le problème était simple, il fallait, il suffisait que l’un des ministères, quel qu’il fut,  trouve, libère sur sa dotation un poste de coopérant qui serait pourvu par la candidature de Madame Guitard…

Ce fut le Ministère de la santé et des Affaires sociales qui embaucha l’impétrante en qualité de Formatrice à l’Ecole des Educateurs et Travailleurs sociaux. La paix revint sur Yaoundé, la furie était satisfaite et casée. A noter que je n’ai, pour ma part, jamais entendu la moindre allusion à ces grandes manœuvres souterraines, avant leur dénouement.

En Septembre 1981, elle entra en fonction.

Les enfants à Yaoundé ? Je ne saurais trop m’exprimer à leur place, je ne sais très précisément ce qu’ils vécurent au cours de ces trois années, je sais seulement ce que, moi, je souhaitais qu’ils découvrent.

Frédéric, Guillaume et Alexandre intégrèrent le Grand Fustel, place de la Mairie, proche de l’Hôtel l’Indépendance ! Vous vous souvenez, la fuite imposée du Mont Fébé…

Marion, quant à elle, fut admise au Petit Fustel, Ecole Primaire Française située à flanc de coteau sous l’Aile de l’Ambassade de France, probablement en CE2.

Lorsque je me suis présenté à Madame la Directrice du lycée Fustel de Coulanges pour y inscrire mes enfants, je ne reçus de cette personne particulièrement autoritaire qu’une consigne extrêmement précise :

- Ici, les élèves ne peuvent redoubler. En conséquence, en cas de résultats insuffisants, il est préférable que les parents mettent fin à leur contrat de coopérant et rentre en France pour s’occuper de leur enfant… (Fermer le Ban !)

Nous étions tous prévenus, enfants, mais aussi parents…

Frédéric, suivi la Première et la Terminale, conclues par l’obtention du Baccalauréat. Ceci lui a ouvert l’accès en classe préparatoire au concours des écoles d’ingénieurs (de mon temps Hypotaupe), au Lycée Saint Louis. J’ai eu l’émotion de l’abandonner dans cette galère, début septembre 1982, vingt et un ans après que j’y sois moi-même entré, c’était en septembre 1961 en ENSI 2A1… J’oubliais ! Important, il était aussi titulaire d’un Permis de Conduire, laborieusement acquis avant son retour en Métropole (Non, il faut dire en France…). (Laborieusement n’est pas à prendre au sens strict, je souhaitais que mes fils obtiennent le permis de conduire, en réussissant à l’examen, et pas suite à un bakchich au…).

 Guillaume, quant à lui, vous vous en souvenez, arrive à Yaoundé après avoir effectué un premier trimestre de la classe de Seconde dans l’un des Lycée Techniques de Nancy.

Avec une autorité incontestable, il fut admis « à l’épreuve en classe de Seconde » par la Directrice. Au cours du séjour, il suivit donc Seconde, Première, et Terminale S au Grand Fustel.

Je n’eus à connaitre aucune incartade majeure de la part de cette canaille. Il décrocha le Bac S et son permis de conduire, lui aussi !

Je souris en écrivant ces lignes, car il me revient une anecdote familiale. Vingt ans plus tôt, Béatrice, la maman des deux bandits, revient à Attigny(Vosges) à la fin de son année de propédeutique, son Père, gonflé d’orgueil, de cette fille qu’il allait pouvoir marier avec, en plus, ce nouveau diplôme, s’entend dire :

  • Ca y est, je l’ai le... Permis de conduire !

Il faut dire que le 17 septembre 1958, j’avais obtenu, à 16 ans révolus sur une BMW 1000 cm3, le permis de conduire Moto, toutes cylindrées, ouvrant droit à cette époque à la conduite des véhicules automobiles, sur le territoire, au Moyen Congo !... Il me fallut repasser cette épreuve, en Métropole cette fois, sous le Lion de Belfort, la copie, place Denfert Rochereau à Paris 29/3/61.

Alexandre, quant à lui, a dû suivre les classes de cinquième, quatrième et troisième, avec un décalage d’une année peut être ? Il avait oublié son anorexie, et progressait vers une vie abondante et déployée. Point de difficulté à son propos qui me revienne.

Marion, CE2, CM1 et CM2, car je ne pense pas qu’à notre retour elle soit retournée en primaire. Rien de majeur à souligner, elle a ouvert des yeux ronds, pleins d’une curiosité merveilleuse. Je crois qu’elle a été profondément marquée par ce séjour, sans savoir tout ce qu’elle a pu en tirer !

J’imagine qu’elle n’est pas sortie abusivement traumatisée de cette aventure familiale, car quelques dix années plus tard elle s’est évadée au fin fond du Brésil pour un stage de fin de deuxième ou de troisième année de médecine. Je ne sais plus exactement. Il n’est pas facile de communiquer avec Marion, une taiseuse, d’aucuns prétendent qu’elle me ressemble, beaucoup !

Elle se fit très vite de nombreux copains, ici ou là, (quels beaux sourires).

Elle se fit très vite de nombreux copains, ici ou là, (quels beaux sourires).

Que faisaient-ils nos enfants, au-delà de l’école ?

Je ne le sais pas trop, car pour moi, ils étaient libres de découvrir. Ils savaient qu’en cas de bêtises graves, ils seraient punis, sévèrement punis. Je n’avais pas dans ces graves moments d’éducation, le  verbe, le mot plus haut, non, ils étaient prévenus, au-delà d’une certaine ligne que chacun peut évaluer, c’était la fessées prévenues ; c’est-à-dire à la ceinture.

Cela fait très mal et n’est absolument pas dangereux, et en outre, lorsque l’un l’a subi, les autres s’en préservent…

En conséquence, ce n’est que de rares fois que nous eûmes à recourir à une telle sanction. Il était important que la chose fût connue…

Que font ces monstres en brousse?

Que font ces monstres en brousse?

Qu’est ce, un maquis, une rébellion ?

Mais non rassurez-vous ce ne sont que nos enfants qui jouent. Qui se cache derrière la jambe du personnage debout le plus à gauche ?

J’ai travaillé, beaucoup travaillé cette photo avec photoshop et j’ai enfin trouvé !

        Derrière ces cinq adolescents, quatre debout et un abrité derrière une jambe, se cachent semble-t-il pour le moins deux officiers supérieurs de l’armée française, les Capitaines de Vaisseau de l’armée française, mon fils Guillaume mais aussi son complice de toujours Philippe Ebanga. Ebanga ! Nous en avons déjà évoqué un, un Jean Paul, sérieux celui-là, car Ingénieur de l’ENSPY, mais aussi de l’ENSEM, mon école…

Une armée clandestine de complices. Ils ont dû en rêver de merveilleuses campagnes.

Une armée clandestine de complices. Ils ont dû en rêver de merveilleuses campagnes.

Le plus étonnant, en ce qui concerne Guillaume est que désireux d’intégrer une classe préparatoire militaire, à son retour en France (j’allais écrire en Métropole !), il fut refusé à cause des parasites qu’il avait récupérés lors de ses campagnes d’Afrique. Quant à son alter ego, Philippe, il intégra la filière marine du côté français.

Trente-cinq ans plus tard, nous retrouverons ces deux insupportables, Philippe et Guillaume, installés dans la vie et…

En attente selon moi des étoiles ! La question du jour est de savoir lequel des deux accèdera aux étoiles le premier ? Allons, soyons sérieux, cette question est dit-on, seulement la mienne… Houai, mais moi je n’y crois pas, d’autres que moi y pensent.

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