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Mes souvenirs à partager: une jeunesse en Afrique Equatoriale Française AEF, Une vie de famille, et la suite...

Tome 3 : (DAI) Chapitre 7 : Des collègues, des amis…

Chapitre 7 : Des collègues, des amis…

 

        Vous vous souvenez l’injonction, par moi imposée, à utiliser le vouvoiement à tout moment en service ?

        J’eus à gérer cette obligation, avec tout un chacun, dans mes tentatives de mieux connaitre tel ou tel…

        En entamant ce chapitre, je suis parcouru de sueurs froides, j’ai peur d’en oublier un, son nom, de ne pas l’évoquer au risque de le meurtrir, ayant été oublié…

        Il comprendra c’est oublié !  J’écris ici sans notes, au fil du clavier (de la plume, on ne m’airait pas cru !), je revendique d’être pardonné par ceux que je pourrais  oublier, trente-trois ans plus tard.

        Ces trois années, passées à Polytech furent meublées de riches relations humaines, favorables à des rapprochements d’homme à homme, mais aussi à cet engagement collectif consenti par tous, au service de l’Ecole.

* *

*

 

        Celui avec lequel j’ai eu le plus lointain contact et aussi la plus récente communication est Claude Tangha.

        Vous  vous souvenez peut être que Claude m’avait convié au cours de ma première mission à déjeuner dans son appartement, en étage, dans un immeuble du côté de Mvog-Ada ou Djoungolo… Je ne sais plus précisément, mais c’était très certainement proche du « Caveau », cette boite de nuit tellement attrayante, où, chose étrange, pouvaient se retrouver parents et enfants ! (du moins en ce qui concerne l’étrange famille Guitard).

        Claude était un mathématicien appliqué, on dira sans vergogne plus tard un « informaticien », nous avons travaillé à la définition, au choix de ces outils informatiques qu’il fallait à l’époque installer dans des salles climatisées, hors poussière, dont la création impliquait d’énormes investissements financiers. Ceci deux ou trois ans avant que n’apparaissent les ordinateurs de table, les « PC » !

        Au Département de Mathématique, Claude était l’homme de l’Informatique.

        Nous étions encore  à cette époque dans la lutte effrénée inter-état, quant aux investissements informatiques, de l’Ambassade de France soufflait un vent d’incitation à mettre en place un IBMxxx ! Et pour cela, pour que ce soit notre choix, on nous offrait, quasiment, des petits ponts d’or !

        Au-delà des questions techniques, Claude fut pour moi un discret conseiller, sans que je ne lui pose de question, auxquelles il savait très naturellement répondre.

 

* *

*

        Un second personnage, parmi ceux dont j’ai fait la connaissance, alors que je n’étais pas encore en position de Directeur, est Anaclet Fométhé. J’en ai parlé, mais  je me dois d’y revenir, vous verrez pourquoi.

        Anaclet, frais émoulu de l’Ecole Normale Supérieure de l’Enseignement Technique (excusez du peu !), ayant pris le temps de cravater un Doctorat, débarque en 78 ou 79 à Polytech. Il n’était pas seul dans une position analogue, un alter égo du moment, James Onobiono !

        Nous eûmes très rapidement à collaborer, car si moi, je cherchais à comprendre comment fonctionnait le système, j’ai cru ressentir que lui aussi, eux aussi se posaient cette question.

        Un peu plus tard, lorsque revenu à l’ENSPY en qualité de Directeur, j’ai eu à travailler avec Anaclet, je crois sans en être sûr que James avait déjà quitté la galère…

        Nous avons travaillé à l’élaboration des sujets du concours de recrutement, cela a été dit, mais un détail extrêmement personnel m’a fondamentalement marqué : à l’époque Anaclet portait une fine moustache qui me faisait penser à deux personnes : à un acteur américain d’un autre temps, Clark Gable, le héros de « Autant en emporte le vent » et à un autre héros mieux connu de moi,  mon père !

        Il y a quelques semaines j’ai eu le regret de devoir décliner une invitation à participer à un jury de thèse, laquelle en l’état ne me semblait pas digne de l’Université de Dschang.

        Nous nous sommes revus depuis cette lointaine époque, à l’occasion du 25ème anniversaire de l’école me semble-t-il, en présence de Monsieur le Ministre de l’Education Nationale auprès de qui Anaclet assurait les fonctions de Conseiller.

* *

*

        Quant à James Onobiono, je ne l’ai point revu en qualité de serviteur de l’état, œuvrant dans l’Enseignement Supérieur. Nous nous sommes croisés une quinzaine d’année plus tard dans l’un des palaces qui ornent maintenant le boulevard qui recouvre le fond de la vallée. Il m’a apostrophé par un :

        - Tu es encore là Prof !

        Cette brève rencontre fut pour moi très étrange, je n’ai pas cru que cet énorme « moi » que véhiculait James, avec son costume voyant, son chapeau à la mode, la quincaillerie pendant à son cou et à ses poignets, que tout cela pouvait combler son irrépressible besoin d’être reconnu. Reconnu, oui, mais pas par les vermisseaux qui l’en lassaient !

        J’ai pu apprécier au cours de missions ultérieures la fidélité de notre Don quichotte à l’Ecole, mettant à la disposition de cet établissement les moyens de communication de ses propres Entreprises. Chapeau l’Artiste !

 

* *

*

        Un autre précieux camarade, dans cette tribu, fut pour moi Ernest Kaptouom. Ce placide géant était à mon arrivée à l’école, Chef du Département de Mécanique, le bouclier des Laboratoires et Ateliers de Mécanique. Vous savez, notamment cet atelier de fabrication mécanique qui permettait à ces joyeux professeurs de l’enseignement technique français de travailler au « Noir », abusivement…

        Ernest est un personnage important, un notable reconnu de la communauté Bamiléké. Il a fait ses études en Allemagne de l’Est, d’où il a ramené une épouse charmante, allemande de l’est, elle lui a donné une petite fille dont il est fou. Elle a une compétence médicale que je ne saurais préciser, mais cette compétence nous fut précieuse.

        Il me faut ici faire un aparté.

        Les conventions de coopérations interuniversitaires que nous avions (nous, l’Ecole) avec l’INSA de Lyon et l’ENSEM de l’INP de Lorraine occasionnaient une noria de missions d’appuis pédagogiques ; vous savez ces missions dont j’ai été moi-même un acteur assidu.

        Une particularité des missionnaires était que les trois semaines qui leur été offertes au paradis terrestre leur montaient à la tête, et pas seulement.

        On se souvient qu’alors point n’est question de Sida, cela n’existe pas… et, nos missionnaires découvrent que l’Afrique est belle, très belle… et prennent le risque d’une chaude pisse !

        Il advient qu’en début de dernière semaine de séjour, certains de ces missionnaires manifestent une certaine inquiétude…

        - Dis-moi Daniel ! Je souhaiterais obtenir un rendez-vous auprès du médecin de la Mission Française de Coopération…

        Je suggérais alors à notre collègue inquiet d’aller voir le Chef du Département, Ernest Kaptouom, qui lui permettra de résoudre son problème.

        Arrivé dans le bureau d’Ernest, dans le hall de Mécanique, le demandeur se voyait amicalement accueilli, une bière lui était offerte et une invitation à prendre un apéritif au domicile d’Ernest en découlait naturellement.

        Alors, au cours de cette cordiale fin d’après-midi, la maitresse de maison conviait discrètement l’honorable invité à s’isoler quelques courtes minutes. Le mal était traité…

        Le plus étrange dans tout cela est que, trois semaines sous l’équateur, Seul, c’est toujours un peu difficile et ici ou là, au Caveau ou ailleurs la tentation était permanente, mais parmi les enseignants, en mission d’appui pédagogique, nous avions deux catégories nettement distinctes :

        - Les « Réalistes » qui prenaient le temps nécessaire pour s’attacher une cousine sympathique, pour la durée du séjour et plus, si d’autres missions… ceux-là ne prenaient qu’un risque.

        - Les « stakhanovistes » qui découvrant, loin de bobonne, un épanouissement sexuel débridé, s’offraient chaque soir une nouvelle découverte augmentaient en conséquence leurs chances de se plomber… C’est l’un de ceux-ci qui, au début d’une mission suivante, sollicitaient une injection de pénicilline préventive !!!

        On comprend alors mieux l’une des motivations d’enseignants-chercheurs à venir passer trois semaines sous les tropiques, à risquer le palu, les filaires et autres parasites…

        Une profonde reconnaissance va, de la part de plusieurs collègues en mission, à Madame Ernest Kaptouom, Médecin d’Allemagne de l’Est, qui par ses soins a permis d’assurer la paix des ménages…J’ai malheureusement oublié le prénom de cette grande et belle femme qui a donné à Ernest une splendide fille métisse…

 

* *

*

        Un autre personnage eut, à mes yeux, une importance certaine, il s’agit d’Abel Mountapbémé. Il tenait son pouvoir  de sa compétence à programmer les microprocesseurs ! C’est la magie mon frère ! Il était en charge du Département d’Electronique… Je ne sais plus en donner l’intitulé exact… Peu importe. C’est de l’électronique, c’est mystérieux, c’est un pouvoir de chaman …

        La douceur de ce camarade, son souci permanent d’estomper toutes rivalités, sont les traits que j’ai gardés en mémoire. Derrière son département s’abritait une tribu très particulière,  les anglophones où ceux qui souhaitaient être assimilés à des anglophones…

        Ce petit monde, d’un autre monde constituait une petite cour autour de Kwankam… Sylvester Kwankam avait obtenu son PhD au States. Comme vous le savez, il avait épousé une blanche… Au début, il ne s’est adressé à moi qu’en Anglais…

        Ici, au Cameroun bilingue, c’est la règle, chacun utilise sa langue d’éducation (française ou anglaise) et on est censé répondre dans notre langue d’éducation (anglaise ou française) !

        Refusant ce précepte, dès la première fois, à son accueil en anglais je me suis efforcé de répondre dans cette langue qu’il revendiquait… Cela ne fut facile ni pour lui ni pour moi, compte tenu de la pauvreté de ma maitrise de l’anglais. Il nous fut possible, pas à pas de négocier, dans ce pidgin qui nous servait à communiquer.

        Plus tard, bien plus tard, entrant dans le bureau de Kwankam, in m’accueillit d’un tonitruant :

        - Bonjour, Monsieur le Directeur !

        - How are you, Mister Kwankam ?

        J’avais enfin gagné le droit de franchir la porte de son bureau en m’exprimant en Français… Ce que je n’ai fait qu’en de rares occasions, goutant le plaisir de lui imposer mon médiocre Anglais.

        Derrière cet abri de l’anglophonie, se cachait aussi une mouvance Bamiléké ! Je n’avais pas à l’époque une conscience claire de l’ostracisme dont étaient victimes les cadres Bamilékés…

        En lisant ces lignes, Martin comprendra ce que je ressentais !

        J’invoque ici Martin Kom que j’ai retrouvé trente-trois ans plus tard, sur internet…

 

 

        Un autre camarade fut mon espion préféré, Richard Ndingom, Vous le connaissez, il s’agit de mon Directeur Adjoint. J’ai très vite compris que Richard était, par mission, ou par un irrésistible élan, tenu de renseigner les … je ne sais qui, mais il devait, cela transpirait de tout son être.

        Tenu de rendre compte aux autorités compétentes de tous nos actes, nos dires, nos pensées même, Richard était tenu d’écouter, d’entendre jusqu’au bout, mais aussi de se libérer de fuir pour aller rendre compte à qui de droit (si l’on peut dire).

        Il me plut en différentes occasions de le libérer au plus tôt, afin qu’il puisse avant d’autres faire son rapport.

        J’allais ici narrer un épisode succulent, impliquant Richard, relatif à ma succession à la tête de l’école, mais je préfère réserver à cette anecdote un petit chapitre plutôt qu’un gros paragraphe.

        Richard a vécu ces mois, ces quelques années, dans la certitude de prendre ma succession à la tête  de l’école. Je n’en dis pas plus car nous le reverrons.

 

* *

*

        Dans l’intimité d’un responsable d’établissement, il n’y a que peu de place, parmi les enseignants expatriés français, deux personnalités marquantes méritent d’être signalées.

        Christian Brémond   et Alain Giovanni

Il y en eu d’autres, de nombreux autres, qui apparaitront ou pas au cours de ce récit…

        Christian Brémond, a grandi en Algérie, il a commencé sa carrière comme instituteur, comme le couscous Garbit, là-bas !

        Vous l’avez compris, c’est un pied noir… Donnez-leur un chef, ils s’alignent… Vassal de Claude Marti, Claude Marti n’est plus, il adopte le suivant, vassal de Guitard devenu…

        Je ne dénigre pas ici la fidélité de ce Vassal, bien au contraire, je salue l’impérieux besoin de celui-ci à s’inféodé au dernier nommé.

        Loin de dénigrer celui qui respecte, par principe, par devoir peut être, le chef, j’éprouve pour celui-là, l’affection que l’on doit à un enfant…

        Il se trouve que je reverrai très longuement, sous d’autres cieux, ce cher Christian, son épouse et son fils. Leur fille nous ayant très malheureusement faussé compagnie.

       

        Quant à Alain Degiovanni, nous le retrouverons à plusieurs reprises dans ce récit.

        ……..

 

* *

*

        Un beau matin, je ne sais plus lequel de mes deux charmants cerbères, de Francisca ou de Tècle, passa la tête par la porte du secrétariat pour me signifier :

        - Monsieur le Directeur, il y a là un monsieur qui demande à être reçu !

        Sachant que lorsque le visiteur est jugé indésirable par mes gardes chiourmes, il est éconduit sans que je sois dérangé, je … :

        - Faites entrer, je vous prie…

        Alors, surgit dans mon bureau un petit homme, précédé par un gigantesque sourire. A mon invitation, il prend place dans l’un des trois sièges qui font traditionnellement face au bureau d’un responsable administratif Camerounais.

        -Monsieur le Directeur, cela fait plusieurs semaines que je souhaitais vous rencontrer, Bla,Bla,Bla,…, en effet je devais vous transmettre les meilleurs souvenirs de mon frère, professeur d’Histoire, qui m’a beaucoup parlé de vous, Bla, Bla, Bla…

        - Cher Monsieur, je suis au regret de vous dire que je n’ai aucun souvenir de ce frère historien que vous évoquez avec une réelle ferveur… En revanche, j’ai le sentiment, la quasi-certitude, que nous nous connaissons, Vous et Moi… Je ne souhaite pas perdre ici un temps qui est toujours précieux, mais, conviez moi, un de ces jours en fin de journée à déguster chez vous  un bon whisky et nous résoudrons, j’en suis certain cette énigme…

        Sitôt dit, sitôt fait, nous voilà, Béatrice et moi, en fin d’après-midi du samedi suivant, profondément installés dans des fauteuils canés, tout à fait digne du mobilier Ahidjo, dont bénéficiaient chaque coopérant français, à déguster le whisky promis, ou sollicité, je ne sais plus…

        Au bout d’une trentaine de minute, et deux ou trois whiskies plus loin, nous avions laborieusement labouré les deux décades précédentes de nos errances respectives, sans résultat, aucun… Je restais un peu perplexe, je n’aimais pas le ridicule qui pendait à mon affirmation que nous nous connaissions et même avais-je affirmé pendant de longs mois…

        Un silence est tombé sur cette réunion, j’étais retourné dans mon intérieur plus qu’inconscient… Tu ne peux rester dans ce ridicule dubitatif ! Enfin, du très fond de mon cortex surgit une diatribe fulgurante…

        - Septembre 60, juin 61, Classe d’ENSI A1, Lycée Marcelin Berthelot à Saint Maur-des-Fausses. Nous y étions, Toi et Moi !

        - oh ! Saint Maur, c’est ma ville ! Marcellin Berthelot, mon lycée…

        En septembre suivant, après les congés en France, je me suis payé le luxe de lui ramener la photographie de classe sur laquelle mon camarade Philippe Duquesnel occupait la première place à droite du premier rang…

        Nous n’avons jamais plus reparlé de ce frère historien, supposé être mon ami !

 

La messe à Mélen, tout était déroutant…

 

La messe à Mélen, tout était déroutant…

La messe à Mélen, tout était déroutant…

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