Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
daddydan33.over-blog.com

Mes souvenirs à partager: une jeunesse en Afrique Equatoriale Française AEF, Une vie de famille, et la suite...

Tome 3 : (DAI) Chapitre 6 : Tonnerre sur L’ENSPY

Chapitre 6 : Tonnerre sur L’ENSPY

 

        Au jour le jour, la vie à Yaoundé, la vie à, et de, l’Ecole, la vie de la famille, ces vies se déroulent très naturellement, dans une plénitude certaine. Je reste en permanence sur mes gardes, persuadé que tout peut arriver, mais rien de majeur ne survient, Or…

        Vous vous souvenez que ma première mission d’appui pédagogique à l’Ecole Polytechnique  s’était déroulée en Mai 1978, concomitamment au parachutage d’une unité de la Légion Etrangère Française, le 2ème REP sur Kolwezi ayant pour mission essentielle de délivrer des otages retenus par les rebelles Katangais. Suite à des évènements de ce genre, une certaine anxiété latente planait sur la communauté des expatriés, notamment parmi certains de ceux œuvrant dans notre établissement…

        A plusieurs reprises, au cours de notre première année de séjour, alors même que nous n’avions pas récupéré la case de Tsinga, les sirènes murmuraient à mon oreille que le mieux serait de se faire octroyer un logement dans le quartier Bastos…

        - Tu comprends, nous résidons quasiment tous à Bastos, tu devrais nous y rejoindre, cela faciliterait les plans d’évacuation de l’Ambassade de France, au cas où … 

        C’est à partir de telles réflexions que j’ai pris conscience que nombreux étaient mes collègues expatriés qui vivaient avec un crainte, une peur vissée au ventre. Eux, ainsi bien souvent que leur épouse…

        Or, la vie ordinaire ne justifiait jamais de telles alarmes.

        Je vais tout de même tenter de relater deux évènements qui firent germer de sérieuses craintes au sein de notre communauté.

 

Troubles à l’Université.

 

        Un samedi en fin de journée, à l’occasion de je ne sais plus quelle réunion interuniversitaire, nous sommes conviés à la résidence du Recteur. Le repas du soir doit nous être servi dans les jardins. De nombreuses petites tables sont dispersées dans les bosquets du parc, chacune éclairée par des lampions dont la lumière faseyant crée une ambiance intime.

        Je suis un peu surpris d’être placé à la table du Recteur, à sa gauche, tandis qu’à sa droite est assis notre jovial camarade Roland Wandji. Nous ne sommes que trois !

         Roland est devenu au cours de cette première année, presque un intime. Nous sommes voisins à Tsinga, vous savez déjà je crois qu’il a épousé une lorraine. Ses enfants et les miens ont sympathisé. Il a fréquenté l’ENSIC, l’école de Chimie voisine de la mienne l’ENSEM, à Nancy. Il est Vice Doyen de la Faculté des Sciences et en particulier Conseiller de Monsieur le Recteur…

        Peu après le début de ce fameux repas, il nous faut nous déplacer vers l’un des buffets pour nous servir du plat de résistance. Il s’agit, je crois me souvenir de Chèvre, cuite à l’étouffé dans un emballage de feuilles de bananier, peut-être, je ne suis plus très sûr de mon souvenir, trente-cinq ans plus tard. Dans la file d’attente de ce service, je discute gaiement avec Roland…

        Soudain, il s’approche de moi et à mon oreille me glisse :

  • Dis donc mon frère, tu es prêt pour la grève de tes enfants ?
  • De quoi parles-tu ?
  • Tu vas avoir la grève à Polytech…

            Un pesant silence s’instaure entre nous. Je réfléchi vite, fort et je ne peux comprendre.

            De retour à notre table, j’y dépose mon assiettée de chèvre, m’assoie précautionneusement, et, après un bref instant de silence, je me permets d’interpeler le Recteur sur un ton que j’espérais jovial :

  • Monsieur le Conseiller m’a  lancé une boutade qui m’a fait froid dans le dos. Il vient de me dire que mes élèves allaient se mettre en grève !
  • Pensez-vous vraiment, qu’à la table du Recteur Monsieur le Conseiller se permettrait une telle plaisanterie ?

             Silence profond et durable… De la suite de cette soirée mondaine, je n’ai plus aucun souvenir. Je suis rentré à la maison, et j’ai passé le reste de ce Week-End dans la plus grande perplexité.

     

    *  *

    *

            Lundi sept heures du  matin je suis en poste, en effet certains cours débutent dès sept heure, quelques minutes suffisent pour me convaincre que les choses ne tournent pas rond, il y a bien ça et là quelques profs à la porte des classes, mais pas un seul élève…

            Je convoque immédiatement, le Directeur Adjoint, le Secrétaire Général, l’Intendant, le Staff quoi !

            Brève réunion où la consigne essentielle est que chacun doit rester à son poste, enseignants, personnels administratifs et techniques et personnels de service, qu’il y ait ou non des étudiants. J’insiste notamment pour que les enseignants expatriés respectent scrupuleusement cette consigne. Toute exception devra être autorisée par la voie hiérarchique.

            Mon raisonnement est simple, nous sommes face à une grève, action strictement interdite sous nos cieux…

            Je suis certain que la répression peut être de la plus haute sévérité. Mon premier souci est d’éviter qu’aucun de mes expatriés ne commette le moindre faux pas. Pour faire passer le message je m’appuie sur Alain Degiovanni et Christian Brémond, deux sensibilités, deux expériences…

            Première journée, c’est le constat de la grève, la mobilisation de tous, chacun scrupuleusement à son poste…Je vais rendre compte de la situation au Rectorat et rejoins immédiatement mon poste.

            Les Français ont rapidement pris conscience de la gravité de la situation et se sont scrupuleusement pliés aux consignes. Quant aux Camerounais, ma conviction fut rapidement faite. Eux savaient, Radio Trottoir avait largement fonctionné au cours du Week-End, annonçant ce qui ne s’était pas encore passé !

            Dans l’après-midi, j’ai eu la visite de Monsieur le Commissaire du 5ème arrondissement, J’aurai l’occasion de le revoir en d’autres occasions. Il m’informe qu’il est en charge de la supervision du dispositif de sécurité et que je peux m’adresser à lui en cas de besoin…

           

            Mardi, j’arrive à l’école de très bon matin.

             Accéder à la rue passant devant mon bureau est devenu particulièrement compliqué, L’espace séparant l’Ecole des quartiers environnants est hermétiquement bouclé, par trois cordons policiers… Une couche de bérets verts, l’Armée, une couche de bérets rouges, la gendarmerie, et enfin une couche de bérets noirs, la police…

            Qui oserait traverser ce triple rideau ?

            Dans l’après-midi, nous eûmes à la direction de l’école une succession de visites, de délégations de plus en plus étoffées soucieuses d’être informées du pourquoi et du comment de ce mouvement estudiantin.

            Pourquoi ? Pourquoi se sont-ils mis en grève ?

            Moi aussi, je voudrais bien le connaitre l’objet de cette grève. Plus tard, un peu plus tard, nous aurons la clé de cette ébullition :

L’état soucieux de répondre aux besoins des étudiants de l’Université a décidé d’ouvrir des listes d’attribution des bourses d’étude.

Réponse des étudiants des Ecoles (Ecole Normale Supérieure (ENS), Ecole Nationale Supérieure Polytechnique (ENSP), Centre Universitaire des Sciences de la Santé (CUSS), eux, élèves des grandes écoles veulent une revalorisation de leurs bourses qui ne peuvent rester au niveau de celles des étudiants lambda.

Il fut alors possible de fournir aux inquisiteurs successifs ; Police, Gouverneur de la province, Représentation parlementaire, un début d’explication sur les causes absurdes de ce mouvement estudiantin.

Instruction venant du Rectorat : il convient de s’efforcer d’engager le dialogue avec les grévistes…

Je gagne alors,  au-delà des barrières des bérets Verts, Rouges et Noirs, les étudiants qui assurent un sitting ostentatoire en bordure de route. Je ne reconnais en ces sitters aucun de nos étudiants. Nous saurons plus tard que les étudiants du CUSS siégeaient devant L’ENS, ceux de l’ENS devant l’ENSP et ceux de l’ENSP devant le CUSS. Ils avaient tout mélangé, impossible d’interpeler nos propres étudiants…

Mercredi la confusion est largement aggravée par le renforcement des cordons policiers au moyen de matériels mécanisés. L’idée m’est alors venue : lequel de nos étudiants, désireux de rejoindre l’école, aurait le courage de franchir aux yeux de tous le No Man’s Land, puis le triple cordons militaire, gendarme et police. Impossible !

La noria des délégations se poursuit. Malheureusement chacune veut rencontrer le Directeur, il ne m’est pas possible de déléguer.

En soirée, ce fut la Voix de son Maître ! Le chef de l’état s’exprime sur les ondes de Radio Cameroun. Sur un ton calme, ferme, impératif il exhorte les enfants à rejoindre leurs classes.

Jeudi matin, Daniel Guitard, pour l’ENSPY, Njo Mouelle pour l’ENS et Eben Moussi pour le CUSS sont convoqué par le premier Ministre. Je me rends donc à la Primature où nous sommes introduits par le « Rouge », Secrétaire Général du premier Ministère… Encore un qui avait de jolies filles, toujours selon mes fils…

Nous n’avons pas attendu plus de cinq minutes dans le salon, nous étions attendus. Ce fut Paul, lui-même, qui nous reçut.

La première fois, vous perdez l’essentiel de ce qui peut être dit dans les deux premières minutes, en effet, la voix éraillée de castra de notre hôte est surprenante… Je compris très vite que  le message était quasiment au mot à mot la transcription du message du chef de l’état.  « Vous, Chefs d’Etablissements vous avez la responsabilité de faire rentrer les étudiants dans leurs classes ». Sur le comment, pas un mot !

 

*  *

*

Je suis rentré à la case pour le déjeuner, mais j’ai négligé ce jour-là la sieste. De retour au bureau face à une question malheureusement sans réponse…

Englué dans mes pensées, je somnole, avachi sur mon bureau, soudain, une bâchée vient se ranger en épi devant  l’accès à la Direction…

Dans mon demi-sommeil, j’observe que de l’arrière de la bâchée débarque furtivement un individu en haillons, pieds nus, qui s’évanouie dans les bâtiments de l’Atelier de Mécanique. Puis, la porte avant gauche s’entrebâille et quasi cérémonieusement débarque un homme longiligne vêtu d’un costume blanc immaculé, coiffé d’un chapeau mou blanc et arborant de lourdes lunettes de Soleil?

A ce moment, entre dans mon bureau Abinamba, mon Intendant, ancien préfet.

- Monsieur Abinamba, c’est quoi ça, dis-je en montrant la bâchée et ceux qui en descendent.

- Monsieur le Directeur, ce sont des spéciaux !

Comme toujours, il faut comprendre à quart de mot…

  • Importants ?
  • Très spéciaux, Monsieur le Directeur…
  •  ?...

            Je vise les quelques documents sans aucun intérêt majeur que m’apportait Abinamba.Et…

  • Monsieur le Directeur, un visiteur souhaiterait être reçu, me dit Françisca par la porte entrebâillée du secrétariat.
  • Qu’il entre…

            Pénètre alors dans mon bureau, le James Bond que j’ai vu descendre de la bâchée.

            Feignant la surprise, je m’adresse directement à notre visiteur :

        - Ah ! Vous tombez-bien vous ! Je ne sais pas qui vous êtes, et je m’en fou passablement. Comment voulez-vous qu’un seul étudiant franchisse, devant ses collègues assis sur le trottoir d’en face, le triple cordon policier qui nous enferme ? Il sera mort ce soir en rentrant au quartier !

Si j’avais un minimum d’autorité, je procèderais de la façon suivante :

1-  Je embarquerais tous les étudiants qui font le sitting, dans des camions pour les transporter à une dizaine de kilomètres de là, puis les relâcherais un à un, toutes les rois minutes, avec l’instruction de regagner l’école au plus vite.

2- Parallèlement je ferais évacuer tout cordon de police, de gendarmerie ou de l’armée.

        Là-dessus monsieur le mystérieux visiteur, je n’ai rien de plus à vous dire, je vous remercie.  

        Sans un mot, le visiteur m’a salué et a quitté le bureau…

Et, comme il était tard et que je commençais à fatiguer j’ai regagné mon domicile.

 

*  *

*

Vendredi matin, je rejoins l’école très tôt, We never know !

En arrivant sur l’avenue de Mellen, je n’en crois pas mes yeux, tout est nettoyé, plus un camion, plus une auto mitrailleuse, ils ont tout dégagé !

        Je me précipite au Secrétariat Général et demande à David Bassop :

- de faire tirer les listes nominatives des étudiants de chacune des promotions ;

- de mettre en place un bureau d’accueil des étudiants où ils seront scrupuleusement pointés.

- tout enseignant ou agent sera à son poste.

        En demandant à Monsieur Abinamba de m’accompagner, je me rends au commissariat du 5ème arrondissement, où je rencontre le commissaire et lui indique que les étudiants vont être relâchés et doivent être « tous » relâchés, voici la liste, je lui demande d’entrer en contact avec, je ne sais qui, pour que tous les étudiants me soient rendus. S’il devait y avoir quelques mesures contre l’un d’entre eux, cela soit reporté après le retour à l’école. J’avais au fond de moi un horrible parfum de Tcholliré…

        Autour de moi, dans ce commissariat tous semblaient pour une fois, au cours de cette semaine, en savoir moins que moi. J’ai eu le sentiment que James Bond avait exercé avec une singulière efficacité un pouvoir certain, sans que cela ne diffuse trop vite.

        Vers dix heures du matin, les premiers étudiants sont arrivés, leurs noms ont étés cochés sur les affichages improvisés. Cela a duré toute la journée, les retours. J’ai compté sur un coin de table : 260 élèves relâchés un toute les 3 minutes, cela fait pour le moins 13 heures ! Nous n’étions pas couchés !

        En fin d’après-midi, je reçu un appel du commissariat du 5ème :

        -Monsieur le Directeur, nous en avons un en plus !

        - Donnez- le-moi !  On verra plus tard le pourquoi.

        Le lendemain matin, samedi, nous avons eu la clé de l’énigme de ce surnombre.

        Un ancien élève de la promotion sortante, travaillant à la SONEL et se rendant matinalement au boulot, s’était assis auprès d’anciens camarades grévistes quelques instants avant la rafle matinale…

        Il fut, in fine, relâché …

        En définitif cette semaine fut fatigante, je vous l’assure…

Je n’ai point de photo qui puisse illustrer ce chapitre ! Sur le tas, on était loin de penser à figer les évènements pour l’avenir…

 

        En conséquence, je vais introduire des photos relatives à l’habitat au Cameroun. Vous constaterez combien cet habitat est varié !

 

 

Les cases enferment un espace de vie familial, non ouvert au visiteur ; nous sommes à coup sûr dans le nord, en pays musulman !

Les cases enferment un espace de vie familial, non ouvert au visiteur ; nous sommes à coup sûr dans le nord, en pays musulman !

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article