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Mes souvenirs à partager: une jeunesse en Afrique Equatoriale Française AEF, Une vie de famille, et la suite...

Tome 3 (DAI). Chapitre1.4 : Découverte d'une Afrique Indépendante PP34-43

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Ah ! J’oubliais… Il existe un volet tourisme dont j’ai omis de vous parler.

La première mission me conduisit vers le sud-ouest, la route de Kribi, vers un paradis en bord de mer, en lisière de forêt.

L’Ecole avait mis à notre disposition un véhicule et bien sûr un chauffeur.

Excepté dans la province du Nord, au-delà de Ngaoudéré, en 1978, il n’existe pas de routes goudronnées à l’extérieur des agglomérations. Dans le meilleur des cas, on circule sur des pistes, ce sont des voies de latérite dégagées à la niveleuse à la fin de chaque saison des pluies, laissant de part et d’autre des fossés pour l’évacuation latérale des eaux…

Et juste quelques kilomètres après avoir quitté Yaoundé, en direction d’Edéa, nous tombons sur un imposant troupeau de bœufs en transhumance depuis le Nord vers Edéa puis Douala ! Ils occupent toute la route et seuls les grumiers en descente vers l’embarcadère de Douala sont en mesure de leur disputer la voie… Nous, dans notre modeste 4x4 Toyota, nous attendons que les bergers nous ouvrent le passage.

Les bœufs sur la route de l’abattoir ne sont pas les seuls à entraver notre voyage vers Kribi. De temps en temps, à intervalles imprécis qui limitent peut être des provinces, ou à l’approche de gros villages, nous sommes tenus de nous arrêter à des barrages routiers.

Je fus surpris, à l’occasion de ces premières missions, de constater le nombre conséquent de barrages et la composition étrange des effectifs en poste.

Le plus souvent, en ville ou sur les routes, le piquet est composé pour le moins de trois uniformes kakis avec un béret rouge, un béret vert et un béret Noir ! Pourquoi ?

Le décodage de ceci ne fut possible pour moi que beaucoup plus tard. Le béret Rouge est un Gendarme, le béret vert est un Militaire tandis que le béret Noir est un policier… Explication de texte : Un piquet représenté par Trois armes (unités) différentes, (et des ethnies variées) minimise les possibilités de magouille, de racket… (Minimise peut-être, mais ne supprime pas !).

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La première ville rencontrée est Edéa. Ici on est en Pays Bassa ; à l’époque je ne le sais pas.

La cité est structurée autour de l’usine d’Aluminium dont la production est tributaire de l’énergie produite par le barrage hydroélectrique sur la Sanaga.

C’est de cette usine que viennent toutes ces tôles ondulées d’aluminium que l’on remarque, ici ou là, dans les villages et les habitats le long des routes, se substituant de plus en plus aux toits de palmes et de raphia.

Ce sont aussi les casseroles et faitouts en Alu que nous remarquerons sur les marchés…

A Edéa nous laissons vers l’ouest la route de Douala, en direction vers le sud en direction de Kribi.

Une nouvelle escale touristique fut un arrêt lors de la traversée du Niong. Je découvre des ponts en béton sur les rivières, cela m’étonne ! Je ne retrouve plus ces ponts de bois généralement constitués de deux grosses grumes jetées en travers de la rivière, recouvertes d’un voligeage de planches… Jean Charles, mon partenaire est lui étonné de voir les bétons de pont si dégradés ! Nous sommes interrogés par ces ponts, mais pas de la même façon…Heureusement, aux pieds de ces ponts incongrus on retrouve le parc des véhicules de proximité qui autorisent la circulation d’amont en aval du fleuve…

Un débarcadère sur el Niong : Pirogues taillées dans un tronc.

Un débarcadère sur el Niong : Pirogues taillées dans un tronc.

Nous poursuivons vers Kribi sur une piste plus sableuse. Moins latéritiques…

A Kribi, nous découvrons une côte, pour moi intimement familière ; de splendides bandes de sable blanc sur lesquelles viennent mourir des languissantes vagues qui déferlent très régulièrement… Oui ! Les jours où tout va bien ! D’autrefois ce sont des montagnes tumultueuses d’eau qui viennent s’écraser aux pieds des cocotiers ou au milieu de la mangrove, courbée sous les vents furieux de la tempête…

Coucher de soleil sur Kribi.

Coucher de soleil sur Kribi.

Nous arrivâmes à Kribi par un jour de plénitude, à l’heure où le gros disque solaire rougeoyant s’apprêtait à s’immerger dans l’océan placide.

Hôtel en bordure de plage.

Hôtel en bordure de plage.

Nous logeâmes deux nuits dans un hôtel aux nombreuses chambres individuelles implantées de plein pied en bordure de plage.

Cette découverte des plages de Kribi, fût pour moi un nouveau retour vers mon enfance… Je croyais me retrouver à la Pointe Indienne, près de Loango, au nord de Pointe Noire, dans ce Moyen Congo où j’ai vécu un second séjour de 12 à 15 ans…

Retrouver les pirogues, quel plaisir !

Retrouver les pirogues, quel plaisir !

Le plaisir de retrouver les pirogues et les jeux aquatiques qu’elles motivent, J’avais oublié ces joies simples. C’est à ces occasions de déplacements découvertes en brousse que se mit à germer l’idée de faire partager ce monde à mes propres enfants…

Comment expliquer à mes fils ou à ma fille, l’étonnement de voir ces jeunes africains jouant avec le long de la plage avec ces modèles réduits de véhicules habilement créés par des mains industrieuses à partir du cœur des palmes de raphia …

Soyons honnêtes, les jeux de plage ne sont plus uniquement ceux de mon enfance.

N’est-elle  pas belle cette LandRover ?

N’est-elle pas belle cette LandRover ?

En 1978, souvenons-nous, du SIDA il n’en est pas question, et il n’en sera jamais question au cours des cinq années suivantes. Nous avions en France, depuis une dizaine d’années, des pratiques sexuelles relativement libres, sinon débridées. En conséquence, les missions évoquées ici étaient agrémentées de papillonnages sexuels…

A titre personnel, j’avais très jeune été averti des risques de maladies vénériennes et j’avais donc adopté une attitude de statisticien…

La multiplication des partenaires accroit le risque de contamination, donc, prends ton temps, choisis bien ta partenaire, cours le risque une fois et restes constant au cours de ce séjour…

Je ne vais pas détailler davantage la description de ces voyages en brousse, car nous aurons l’occasion d’y revenir puisque les trois premières missions d’appui Pédagogique qui se sont déroulées aux mois de Mai 78, 79 et 80 ont débouché sur une mission de longue durée en famille…

Joli coucher de soleil !...

Joli coucher de soleil !...

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En ce mois de mai 1980, j’entame la troisième mission d’appui pédagogique auprès de l’ENSPY…

J’ai, selon mon usage, déposé en tout début de mission ma carte de visite au secrétariat de la Mission Française de Coopération… Chose étrange, dès le lendemain, une réaction est arrivée au desk de l’Hôtel Central, et plus surprenant encore cette réponse n’émane pas du Chef de Mission, mais du secrétariat de Monsieur l’Ambassadeur de France…

Il ne s’agit point d’une invitation à un quelconque pince fesses, mais d’une convocation à l’Ambassade !

Le jour suivant, à l’heure dite, tenue rectifiée, agrémentée d’une cravate de service, je me présente au secrétariat de l’Ambassadeur…

  • Monsieur le Professeur, voilà trois ans que vous assurez des missions d’appui pédagogique auprès de l’Ecole Polytechnique, nous avons pu apprécier le sérieux que vous avez mis à effectuer ces importantes missions, Bla-bla-bla…
  • ……..
  • Voilà, accepteriez-vous une mission de longue durée, à la tête de l’Ecole Polytechnique ?

La question fait en un éclair le tour de mon crane, le temps de réflexion que je m’accorde est réduit aux seuls instants nécessaires, et…

  • Monsieur l’Ambassadeur, la proposition est séduisante, sur le principe ma réponse est « OUI ». Il me faut pour formuler une réponse définitive, d’une part, consulter mon épouse et mes enfants ; d’autre part, assurer la pérennisation de mes activités scientifiques, de la continuité de mes travaux de recherche…

Voilà comment, de façon aussi soudaine que brutale, me fut proposé, en ce mois de mai 1980, de prendre la direction de l’Ecole Nationale Supérieure Polytechnique de Yaoundé !

Cette rencontre de l’Ambassadeur de France au Cameroun, en tout début d’une mission de trois semaines, a lourdement pesé sur la sérénité des jours suivants…

Il n’était pas question de se comporter autrement que lors des précédents séjours, mais il était indispensable de profiter de chaque instant pour consolider l’argumentaire de l’éventuelle longue mission…

C’est à cette occasion, que je crois avoir fait la connaissance d’un jeune Assistant camerounais, détaché auprès de l’INSA de Lyon pour préparer un Doctorat d’Ingénieur. Nous avons travaillé à la mise en place de travaux pratiques de Mécanique, de Résistance des Matériaux, Je lui ai suggéré, dans un souci d’innovation, de procéder à des essais de flexion sur des éprouvettes triangulaires… qui ont le charme d’être isocontrainte…

Amos Foudjet, alors Doctorant, fut contraint de travailler avec un « Blanc », Il transpirait « l’opposition », que venaient faire ces blancs? Chose étrange, dans l’opposition de principe sensible, j’ai pour ma part ressenti une étrange réalité. Bien que Blanc, il pouvait travailler avec moi !...

Au cours de cette troisième mission, les réactions de nos collègues Français étaient à mes yeux importantes, mais le comportement discret de nos collègues camerounais n’avait que plus de valeur.

J’étais déjà sûr que ceux qu’il fallait conquérir étaient le staff camerounais, car eux seuls, sans encore y croire, portaient le devenir du projet.

Eprouvette de flexion en bois à  section droite  variable. C’est elle!

Eprouvette de flexion en bois à section droite variable. C’est elle!

Trente ans plus tard, à l’occasion d’une rencontre scientifique à Bordeaux, celui qui est devenu mon frère « Noir » m’a offert en conférence plénière une éprouvette de bois triangulaire. L’émotion fut grande pour moi, car, il s’agissait d’un clin d’œil à ce qui avait été notre sincère opposition de première minute ; supporter l’inutilité de ces mercenaires blancs qui n’avaient même pas les diplômes requis et étrangement restaient indispensables au bon fonctionnement de la boutique…

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La question était : vas-tu prendre la place de Claude Marty ? Si oui, pourquoi ?

Au premier chef, j’avais la certitude que notre collègue Claude n’avait pas la stature d’un meneur d’homme apte à conduire ses sbires au-delà de l’acquis, au-delà du raisonnable…

Et pourtant, ayant la responsabilité du recrutement des meilleurs étudiants de la nation, l’ambition se doit d’être la plus forte, au plus haut… Ceci n’a rien à faire avec l’enseignement technique, la formation des Techniciens Supérieurs. On se doit ici de former les meilleurs Ingénieurs du Cameroun, sans restriction.

Je me suis convaincu de cet objectif que j’avais déjà affirmé.

En second lieu, en quoi un engagement, ici au Cameroun, impliquant ma famille pour une durée longue était possible, utile, faisable ?

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