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Mes souvenirs à partager: une jeunesse en Afrique Equatoriale Française AEF, Une vie de famille, et la suite...

Tome 1 : (UJA) Chapitre 7 : Premier retour en France (1953- 1954)

Chapitre 7

Premier retour en France

(1953- 1954)

En cet été 1953, nous débarquons à Paris, accueillis je ne sais où, par je ne sais qui !

Le premier évènement marquant est la récupération par Papa de notre première voiture, neuve ! Une 4CV Renault, quel luxe…

Nous devions rejoindre Perpignan par le chemin des écoliers. Les parents avaient un programme, nous devions « faire » les châteaux de la Loire.

Le premier problème que nous avons eu à résoudre fut celui de faire rentrer dans notre luxueuse voiture, Papa, Maman, Loulou, Dominique et moi et nos bagages. Or, Dominique voyageait dans un couffin, assez volumineux ma foi, placé au milieu de la banquette arrière et suspendu entre les dossiers avant et arrière. Loulou et moi devions nous incruster dans les espaces résiduels, à gauche pour l’un et à droite pour l’autre. Cette mise en caque, n’était pas de bon augure quant à la quiétude du long voyage qui nous attendait.

Nous avons vu les chââââteaux de la Loioioioire. Chambooooord … Azay le rideauauauau… Vrououououm…

Exit les châteaux de la Loire.

*

* *

De notre arrivée à Perpignan, je n’ai aucun souvenir Marquant. Je ne sais même plus où nous avons habité dans les premiers jours.

Nous avons revu le Grand-père Guitard, Georges, (d’où l’un de mes prénoms : Daniel, Georges, Etienne) et Mamie Titine, toujours dans l’appartement du premier étage, Place de la République.

Nous avons revu Pépé Klély (mon troisième prénom) et Mémé (Marguerite), toujours rue de l’Hourtoulane. Pépé s’absente encore dans la journée pour aller travailler, il revient le soir à vélo, sur la roue avant duquel est arrimé un cageot contenant de précieux trésors… J’ai su plus tard que sous ces chiffons étaient cachée la dotation journalière du travailleur aux wagons foudre (transporteurs du vin, expédié en foudre par chemin de fer), soit quatre à cinq litres de vin rouge que mon grand-père revendait dans sa plus large partie dans son voisinage immédiat.

Nous avons revu l’Oncle Charles (Péjouan) et tante Andrée d’abord par une visite rituelle au magasin : Perpignan Sport, Place de la Loge, puis à Canet où est la villa, résidence d’été (Là, j’ai le sentiment de commettre une erreur ; il me vient que, cette année là, ils étaient bien à Canet, mais pas encore dans la villa que nous connaissons encore. J’ai le souvenir d’un premier étage !) . Mes proches, plus proches cousins germains sont là Bernard, Alice et Sylvie (laquelle est mon quasi jumelle).

Tome 1 : (UJA)  Chapitre 7 : Premier retour en France  (1953- 1954)

Le personnage de cette tribu, c’est l’Oncle Charles. C’est un géant, à la tignasse brune, frisée, ayant, à tout moment, vissé entre ses lèvres une cigarette jaune, la Gitane Maïs. Sur la photo, Charles est à Banyuls avec en fond le laboratoire Arago, avant ou pendant la guerre.

A l’époque que j’évoque, ici, il ne s’agit plus de résidence d’été à Banyuls/mer mais à Canet-plage.

Charles, par son autorité naturelle et par droit d’ainesse m’a semblé, toujours, exercer une domination sur mon père ! (Il est de plus de dix ans son ainé). C’est probablement pour cela, que nous avons atterri, au premier étage de la Villa de madame Antoine à Canet Plage, sur l’actuelle Avenue du Roussillon, le long de laquelle circule la voie Arrivée du Tram Perpignan-Canet (plus maintenant, le Tramway a disparu !).

Chez Madame Antoine nous y vivrons un an. Je dis nous, mais, il ne s’agit en fait que d’Yvonne, de Loulou, Dominique et moi. En effet, trois ou quatre mois après notre nouvelle implantation, Papa est reparti vers l’Afrique pour assurer la gestion du comptoir de la société à Port Gentil au Gabon.

*

* *

Quelles furent pour moi les préoccupations essentielles de cette nouvelle vie en France et particulièrement à Canet. La grande inconnue fut en premier lieu l’entrée au Lycée François Arago de Perpignan. Au-delà, se fut déjà, le sentiment d’être considéré ici, non par mes parents, mais par l’entourage, comme un enfant… J’ai eu très fort le sentiment d’une obligation de régression, tout simplement pour redevenir conforme. Au fin fond de l’Afrique, nous étions libres, responsables de nous même. Ici, nous devions accepter d’être protégés, nous devions être, redevenir des enfants, au sens local… Pas très facile.

Concrètement, Il faut tout les matins et tous les soirs Aller et venir de Canet à Perpignan.

Les douze kilomètres de Canet à Perpignan sont d’abord couverts en Tramway. Ces trente minutes de voyage sont, dès le printemps, un grand plaisir agrémenté le plus souvent de chants et de cris joyeux. Nous étions nombreux à emprunter le Tram ! Ces mêmes trente minutes de transport n’avaient pas du tout le même gout, en automne et au fond de l’hiver. En effet, dans les wagons balayés par une pinçante tramontane, nous étions le plus souvent frigorifiés et certainement sans voix…

Le terminal du tramway était situé à l’extrémité de l’Allée des platanes, face au Castillet (le premier cinéma où Papa m’ait amené trois ou quatre ans plus tôt). Arrivés là, nous n’étions pas rendus. Une nouvelle demi-heure de marche était nécessaire pour rejoindre le Lycée Arago (Le nouveau, Face à la Basse ! L’ancien qui avait accueilli mon père en son temps donnait en retrait de la place du Palmarium). Le chemin le plus court était assurément de suivre le cours de la Basse, sur sa rive droite ; du Castillet, en passant par le Palmarium, puis devant le Tribunal, on arrivait très naturellement à l’accès tortueux du nouveau Lycée. Il va sans dire que ce trajet idéal a été irrégulièrement suivi en fonction des rencontres matinales et des tentations saisonnières. Le bilan est tout de même que deux heures de la journée, pour le moins, étaient dédiées au transport. Heureusement qui nous y avons trouvé, peu ou prou, de sympathiques loisirs occasionnels.

*

* *

L’expérience majeure de cette année 1953-54 est la découverte de la classe de sixième au Lycée François Arago. La notion de collège telle que connue maintenant regroupant les classes de 6ème jusqu’à la 3ème n’existait pas encore. Nous étions au lycée ! Un point c’est tout.

6ème Classique, c'est-à-dire avec Latin. Compte tenu de l’éloignement de notre résidence, je suis demi-pensionnaire. Ceci nous vaut, à la fin des cours du matin, la procession qui nous conduit au vieux lycée pour y prendre le repas de midi. C’était une expédition, chaque jour renouvelée, dont les agréments, car il y en avait, et les désarrois causés par la tramontane qui soulevait nos capes et faisait, certains jours d’hiver, pénétrer un froid vif jusqu’au plus profond de nos os. En y réfléchissant mieux, il s’agit de l’hiver 54, pas étonnant que j’ai eu une impression de froid, même à Perpignan.

La pauvre qualité des repas, n’a jamais pu compenser les quelques moments désagréables que nous avons alors vécu. C’est en ces occasions que j’ai renoué avec Jean Pierre Bousquet, celui là même qui s’était retrouvé, en ma compagnie, au fond d’une baignoire d’un hôtel de Lourdes pour y être traité contre la gale.

Un évènement important a marqué la fin de cet hiver. Ce sont les informations données à la TSF, à propos du déroulement des combats à Dien Bien Phu. Venant du Moyen Congo, la France pour moi c’était ces multiples taches roses qui constellaient la carte du monde affichée au dessus du tableau noir de ma classe de CM2. L’Empire ! Cela avait un sens peut être plus fort pour moi que pour mes congénères de la classe de 6ème au Lycée de Perpignan. Entendre chaque soir ces noms de ces jeunes filles : les Huguettes , les Claudines et autres Béatrices… égrenés, tantôt submergées, tantôt reprises ; apprendre que tel bataillon de parachutistes venait d’être largué sur la cuvette, découvrir que les pistes d’atterrissages étaient de plus en plus rendues inutilisables… Avec tel camarade, dans les dunes de la plage déserte au sud de Canet, combien de fois avons-nous imaginé les mille et unes stratégies d’engagements des derniers parachutés éclopés, qui avaient étés recrutés convalescents dans les bars de Saïgon ou d’Hanoï et largués nuitamment sur les DZ du chaudron.

J’étais jeune, pas encore douze ans, mais déjà assoiffé d’informations sur le monde. J’avais le sentiment d’être un enfant de l’Empire Français.

En cette mi-mai 1954, Papa est déjà reparti pour l’Afrique. Il a rejoint un comptoir de la société à Port-Gentil. Dominique a grandie, Loulou aussi. L’espoir d’un retour vers l’Afrique, après cette année passée en France, est un moteur pour terminer cette année de 6ème. D’ailleurs, au cours de ce mois de juin le verdict tombe. Un beau matin, le professeur de Français-Latin, notre professeur principal, égrène devant toute la classe le verdict des conseils qui se sont tenus la veille.

  • un Tel redoublement ;
  • un Tel autre 5ème classique ;
  • etc…

En fin d’énumération, n’ayant pas entendu l’appel de « Guitard », une sévère sueur froide me dégouline dans le dos et, le doigt en l’air, levé, tendu sur la pointe de mes pieds, je hurle presque :

  • Monsieur, monsieur et Moi ?
  • Ah. vous Guitard ! 5ème Moderne, Le latin et le Français ne sont pas pour vous…

Voilà comment toute une scolarité et plus tard une vie professionnelle d’adulte ce sont déroulées dans la certitude, qu’il n’y avait rien à faire, que je ne serai jamais apte à communiquer par écrit ! Et pourtant.

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