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Mes souvenirs à partager: une jeunesse en Afrique Equatoriale Française AEF, Une vie de famille, et la suite...

Tome 1 : (UJA) Chapitre 8 : Retour au Moyen Congo

Retour au Moyen Congo (première partie)

(1954- 1957)

Ça y est, nous repartons…

Nous quittons Canet probablement par train jusqu’à Marseille, où Nice, je ne sais plus. Il s’agit d’aller prendre l’avion vers Pointe Noire, toujours au Moyen Congo.

Pointe Noire est le port où nous avons abordé avec le Banfora plus de 3 ans plus tôt. A propos du Banfora, lorsque mon grand Père Klély, Etienne, a appris que nous avions effectué notre premier voyage sur ce magnifique paquebot, s’était exclamé :

  • « Me cague un Deou ! » Ce bateau était déjà une ruine lorsque je naviguais encore !(en début de phrase, une vindicte catalane toujours au bord des lèvres du grand-père qui pour « Chier un Dieu » s’y entendait !).

Or donc, nous roulons vers Marseille pour ce second vol vers l’Afrique, sans Nord-Sud cette fois.

La méditerranée franchie, une première escale à Tripoli, débarquement de nuit vers des hangars surchauffés où nous prenons, un repas, une collation.

Le Sahara franchi, seconde escale à Kano, Nigéria. C’est une escale technique, encore nécessaire à ces dévoués DC4 qui assurent notre voyage. Impression de chaleur étouffante en cette nuit étoilée.

Arrivée de la troisième étape à Douala, nous sommes en AEF, au Cameroun, J’ignore encore alors que ce pays me sera très cher, quelques 25 années plus tard, à moi et à ma famille. Nous faisons cette fois une escale, avec changement d’aéronef. Nous montons dans un DC3. C’est une joie pour moi et un étonnement. Le DC3, je connais, c’est cet avion qui larguait parachutistes et matériels au dessus de la cuvette encerclée au Tonkin.

Le DC3 est un aéronef à train classique ce qui signifie qu’il repose sur les deux roues du train principal et sur la roulette de queue. (Ce sera la configuration de mon premier avion personnel F-PYJR). En conséquence, lorsque les passagers montent dans l’avion pour occuper les 24 places assises, il faut réellement monter dans la carlingue car celle-ci est fortement inclinée. Le nez de l’avion à l’arrêt pointe vers le ciel. On s’installe, on s’attache, on est vérifié par l’unique hôtesse et, après les procédures règlementaires, le voyage peut débuter. Le premier décollage sur un tel avion est impressionnant, par rapport à celui effectué sur un avion à train tricycle (avec roulette de nez et à fuselage horizontal au sol), car en effet, après le début du roulage, la queue de l’avion de relève ce qui met la carlingue à l’horizontale, puis le roulage se poursuit jusqu’au décollage proprement dit.

C’est sans problème que nous arrivons à Pointe-Noire. Nous avons effectué le voyage Marseille, Pointe noire en 21 heures de vols, escales non comprises. C’est nettement plus rapide que les 21 jours de voyage en bateau qu’a duré la première expédition, trois ans plus tôt.

* *

*

Nous voilà installés à Pointe Noire. Cette ville diffère très fortement de Brazzaville, car ici on est au bord de la mer. Il fait souvent plus chaud avec un taux d’humidité très proche de la saturation. Ici, on transpire, la sueur ne sèche pas.

Et pourtant, si l’on regarde attentivement la gare de Pointe Noire, n’a-t-on pas l’impression d’être dans un village d’Alsace ou de Lorraine !

Le CFCO Chemin de Fer du Congo Océan est une compagnie qui a pour vocation d’assurer le transit passagers et fret entre la côte, Pointe Noire, et le Pool, Brazzaville sur le Fleuve Congo.

Gare du Congo-Océan à Pointe Noire (quasiment de l'art teuton;)

Gare du Congo-Océan à Pointe Noire (quasiment de l'art teuton;)

Anecdote à propos du CFCO. A l’occasion de réunions des officiers de réserve, Papa a retrouvé un camarade des chantiers de jeunesse. Il s’agissait du Directeur général du CFCO, un Villèle, descendant du Comte Joseph de Villèle Toulousain qui fut premier ministre de 1921 à 1928.

Au cours de la première année, nous avons habité une case dans un quartier proche de la gare. L’arrière de la case est un jardin sans limite précise qui se termine en descente douce dans le marais qui nous jouxte.

Ce coin de jardin a accueilli bien souvent nos jeux, nous y fîmes, Loulou et moi, les premières découvertes de ces animaux qui peuplent ici notre proche environnement.

Je me souviens, entrant dans la petite cabane de branchages qui nous y avions bâtie, d’avoir eu la sensation d’un mouvement tout près de ma tête, au coin de ma joue droite. Un petit recul pour mieux accommoder m’a permis de constater que ce n’était que… les petits frétillements de la langue d’un petit serpent.

Derrière la case...

Derrière la case...

Première trouille de ce genre et surement pas la dernière !

Comme le montre la photo, des bananiers étaient plantés sur cet espace. Alors, pas étonnante la présence des serpents !

Louis et moi sommes avec maman et la petite sœur Dominique.

Les profanes noteront la présence les régimes de bananes.

Le fond lointain de ce jardin se perdait dans un marigot qui s’étendait au milieu de la ville. Ce sont des hollandais qui au moyen d’un navire spécial appelé « une suceuse » ont comblé en quelques mois ce marais insalubre avec du sable blanc prélevé dans la baie et déversé dans le marigot, à travers de gigantesques tuyaux qui parcouraient la ville.

Nous avons habité ce quartier, une bonne année, avant de rejoindre un appartement au premier étage de la concession Anselmi, en haut de l’avenue Général de Gaulle, près de l’entrée de la ville africaine.

* *

*

Quelles sont les grandes découvertes de ces trois années de ce second séjour ?

En premier lieu le Lycée « Victor Augagneur » !

Je passerai trois merveilleuses années dans ce bahut, dans ce que l’on appellera plus tard le collège. Trois classes, 5ème, 4ème et 3ème, dans lesquelles j’ai été particulièrement heureux !

Il y avait bien sûr le coté littéraire qui m’a toujours occasionné des rebuffades de la part de mes profs : orthographe plus qu’hasardeuse, style impossible… Ceci pour le Français et les langues étrangères qu’il s’agisse de l’anglais ou, en quatrième, de l’espagnol.

Pour le reste, point de problème, je restais dans les meilleurs, sinon le meilleur. Maths, Physique, Histoire Géographie, Sciences Nat. Tout cela était en fin d’année l’occasion de prix, voire de 1er Prix. Cela pour la plus grande fierté d’Yvonne qui n’hésitait pas à ce mettre sur son 31 à l’occasion de cette annuelle distribution.

Un beau sourire pour la fin de 4ème.

Remarquez que de ce point de vue les années se suivent et par certains cotés se ressemblent !

Distribution des prix Juin 1956 (4ème)

Distribution des prix Juin 1956 (4ème)

Distribution des prix juin 1957

Distribution des prix juin 1957

Toutefois, vous noterez les changements vestimentaires de l’impétrant ! Ce n’est pas rien une année entre quatorze et quinze ans…

Le pantalon qui fait l’homme et les indispensables lunettes que cette année là j’assume.

Au-delà des matières scientifiques ou littéraires il est une discipline que j’affectionne en particulier. Il s’agit de l’Education Physique,

Il s’agit du Sport d’une façon très générale.

* *

*

Le Lycée Victor Augagneur a souffert en ces années 1954-55 d’une épidémie implacable de « Collage » !…

  • Un murmure dans les rangs avant de rentrer en classe,
  • Le jet négligeant d’un papier dans les couloirs,
  • Un rire trop perçant, à propos de n’importe quoi.

Toute occasion est le prétexte à une colle, et pas moins de deux heures, que l’on doit assurer le jeudi après midi et parfais le samedi matin !…

La première colle est pour chacun de nous une surprise !

Au jour et à l’heure dite pour purger la peine, nous sommes détournés de la salle de permanence vers les locaux de l’EPS.

Là, chacun d’entre nous reçoit un chapeau de paille, une botte de plantules de PassePalum et une tige de fer à béton…

Et, alors, le Prof de Gym précise à chacun l’emplacement et la surface proportionnée à la peine sur laquelle chacun devra, sous un soleil généreux, planter les boutures de cette herbacée.

C’est ainsi que nos imprudences disciplinaires ont permis de construire de semaine en semaine la pelouse du stade de notre lycée.

A noter qu’à la réunion des parents d’élèves qui suivit l’instauration de ce régime de bagne, aucune voix paternelle ou maternelle ne s’est élevé pour s’insurger contre un tel régime coercitif infligé aux petits anges que nous croyions être.

Sur ce merveilleux stade, dont les pelouses étaient le fruit de nos heures de punition et dont la cendrée avait été réalisée à base de termitières concassées, nous avons pu nous initier aux multiples ateliers des disciplines de l’athlétisme. (Les termitières dont il est question ici ont la forme de champignons, de Cèpes, de quelques soixante dix à quatre vingt centimètres de haut, couvertes d’un chapeau d’un diamètre équivalent. La latérite constitutive de ces termitières travaillée par les insectes est un matériau particulièrement adapté à la constitution des pistes cendrées).

Jeu universitaires mai 1957 Brazzaville

Jeu universitaires mai 1957 Brazzaville

Je me suis distingué cette année là en saut en hauteur, j’ai en effet franchi au cours des sélections 1,76 m en rouleau ventral (ma taille !). Sélectionné en Minime pour les jeux universitaires africains, je me suis retrouvé quelques semaines plus tard à Brazzaville pour participer à ces jeux. A propos, j’ai participé à la compétition. Quand tous les participants ou presque ont été éliminés, un grand gaillard du Tchad, né vers 1942… a commencé à sauter la barre placée à 1m96 ! Il s’agissait de Mahamat Idriss qui est resté plusieurs années recordman de France de cette discipline.

Sur la photographie des représentants des différents territoires m’entourent (casquette), Cameroun, Sénégal, Moyen Congo, France, Madagascar…

Il y avait aussi les filles des différentes délégations. Egal à moi-même, je suis tombé amoureux d’une sprinteuse camerounaise anglophone. Un flirt sans importance à l’occasion de cette semaine au bout du monde… Toutefois, quelques 25 ans plus tard, en poste à l’école polytechnique de Yaoundé, j’ai cru reconnaître en la personne de la Vice Ministre de l’Enseignement Supérieur Dorothy Ndjeuma, la sprinteuse d’antan !

13 ou 14 ans encore plus tard, au Sénégal cette fois, à l’occasion d’une réunion de ministres africains de l’enseignement supérieur organisée par l’AUF à Dakar où je suis alors conseiller scientifique, j’ai une autre fois l’occasion de la rencontrer, élucider cette interrogation…

Ce fut pour moi l’un des premiers émois.

J’ai presque 15 ans, je viens d’obtenir mon Brevet et je suis heureux.

* *

*

Au cours de ces trois années, j’ai de plus pratiqué avec assiduité un sport qui m’est déjà très familier, le Judo !

Le Judo est le premier sport que mon père m’ait suggéré. Il était fasciné, quant à ce sport, par l’un de ses amis d’enfance, Raymond Thomas. Petit râblais, joyeux compagnon me semblait-il, Raymond pratiquait le judo depuis l’immédiat après guerre. C’est comme cela qu’à Paris, à l’âge de sept ou huit ans, je me suis retrouvé pour les premières fois sur un Tatami, celui de Coubertin, excusez du peu…

Cette première expérience a été de courte durée, quelques séances, car il fallait pour ce rendre au club, prendre le métro, c’était loin et compliqué. De plus, je pense que cela a correspondu à la période où le Bar « Les Vins des Pyrénées » ne nourrissait plus la famille et Dad fut obligé d’aller travailler en usine, chez « Electrolux ».

Club de Judo Pointe Noire 1955-57.

Club de Judo Pointe Noire 1955-57.

J’avais repris le judo au cours de notre premier séjour en Afrique, Je n’ai qu’un très vague et lointain souvenir de cela.

En revanche, les trois années passées à Pointe Noire ont été l’occasion de progresser dans ce sport. Je me souviens du nom du professeur de Judo, « Taillefer », un géant poilu et chevelu à la voix ferme et convaincante…

Nous travaillions alors sur un tatami complètement bricolé à partir de paillasses de Matiti (Matiti : les grandes herbes sauvages le long des chemins) rangées cote à cote, sur lesquelles était tendue une solide bâche. Le grand cadre sur lequel était tendue la bâche était constitué de quatre barres cylindriques généralement utilisées pour la construction des échafaudages de chantier.

La conséquence est que pendant trois ans nous avons pratiqué le judo, accumulé des centaines des milliers de chutes sur un Tatami plein de bosses et de trous, particulièrement sensibles lorsque nous posions le pied entre deux paillasses.

Et la chute hors limite se faisait systématiquement sur l’une de ces barres du cadre. Tout cela nous a valu des accumulations de chevilles tordues et foulées et des plais et bosses dues à ces chutes sur ces barres d’acier. Néanmoins de merveilleux souvenirs.

Sur la photo, je suis au deuxième rang, premier à partir de la gauche, mais on y voit aussi mon frère Loulou au premier rang, premier à partir de la droite.

A propos du Judo, nous y reviendrons de nombreuses fois au cours de ce récit.

* *

*

Une autre activité majeure de notre routine hebdomadaire est le scoutisme que j’avais laissé en 1953 à la paroisse St François en tant que Sizenier des loups bruns de notre meute.

A Pointe Noire c’est dans la troupe scoute que je suis intégré et très rapidement je me retrouve Chef d’équipe.

Notre aumônier est le Père Auzanne (je ne suis plus sûr de l’orthographe). Point de souvenir du nom du Chef de Troupe, mais dans ma mémoire il a le profil d’un fonctionnaire de Préfecture. L’adjoint au Chef de Troupe est mon camarade Michel Carpriaux, avec lequel j’ai fait, hors de ce cadre, les quatre cents coups.

Très vite, l’idée est venu au chef de troupe de nous affilier aux »Scouts Marins » ! Nous étions bien au bord de la mer, mais nous n’eûmes jamais l’opportunité de naviguer à ce titre.

La patrouille dans des installations rappelant un gréement de navire.

La patrouille dans des installations rappelant un gréement de navire.

Par chance, lors de nos réunions hebdomadaires ordinaires nous n’étions pas tenus d’arborer cette tenue de matelot que nous avons toujours trouvée un peu ridicule. Nous portions le béret plus traditionnel ou le feutre scout.

Le scoutisme à Pointe Noire, comme précédemment à Brazzaville, était pour nous l’occasion de mémorables randonnées en brousse, en partie en véhicules tout terrain mais aussi à pied à travers la brousse.

Beaucoup plus tard, quarante ans plus tard peut être, j’ai eu l’occasion en Guyane de comparer les raids en forêt sud américaine à ceux conduits en forêts d’Afrique équatoriale. Hors des sentiers courant de village en village, la forêt africaine m’a semblé impénétrable. Les enchevêtrements de vieux arbres effondrés, colonisés par les lianes et les jeunes drageons étaient impénétrables.

Au haut des chutes de la Buenza(Moyen Congo).

Au haut des chutes de la Buenza(Moyen Congo).

Pour atteindre le haut des chutes de la Buenza, nous avions du cheminer sous le couvert de la forêt dense. Sur la photo, je porte le Béret, mon voisin est couvert par un chapeau de brousse. Noter que tous, ou presque sur la photo, portent une coiffure, c’était l’usage sous l’équateur, la précaution élémentaire satisfaite et clairement comprise par tous. Le soleil n’est certainement pas tous les jours brillant, durant de nombreuses semaines et même des mois le soleil est caché par une dense couverture nuageuse, il n’en reste pas moins un compagnon dangereux…

A propos de marches et de raids, il me revient une anecdote! Un contremaître moustachu de la SVP dont mon père était le gérant est venu une année renforcer l’encadrement de la troupe. Il fut à l’initiative d’une marche pour nous mémorable. Le Raid sur Louango.

Louango était un village de la cote au nord de Pointe Noire. Village au passé célèbre, il s’agit de l’un de ce points de départs des esclaves pendant les quelques trois siècles au cours desquels la traite, le commerce triangulaire à organisé les départs des esclaves vers les Amériques en échange de verroteries, barres de fer où fusils de traite. Beaucoup plus tard j’aurais l’occasion de visiter des comptoirs semblables, l’ile de Gorée au Sénégal, ou la « Porte du non retour » à Ouidah au Bénin, par exemple. Je comprendrais alors qu’un équipage d’une vingtaine de marins, éventuellement blancs, prenait livraison de plus d’une centaine de « bois d’ébène » qui étaient soigneusement rangés dans les soutes de navires peu salubres.

J’ai compris le rôle des rois de Louango ou de Ouidah qui, suite à des razzias à l’intérieur des terres, livraient aux commerçants venus d’ailleurs les cargaisons d’esclaves, hommes et femmes jeunes et bien portants, prélevés sur les peuples de l’intérieur, apportant ainsi de l’eau au moulin des tenants de la théorie évolutionniste. Sur certaines tribus, le prélèvement excessif des individus les plus jeunes et biens portants à certainement contribué à une dégénérescence de telles populations.

J’ai aussi compris, lors de mes voyages en pays subsahariens, que bien avant cette période, des siècles avant, peut être plusieurs millénaires, un trafic d’esclaves important était coutumier à travers le Sahara… l’Egypte, Rome, l’Empire Turc ont allègrement contribué au cours des siècles à ces transferts de population. . Il est surprenant que les discours relatifs à l’esclavage soient trop souvent réductifs et en conséquence peu réalistes…

Revenons au raid Pointe Noire-Louango. Depuis la sortie de Pointe Noire, à l’époque au niveau du Collège Victor Augagneur, jusqu’à la mission de Louango qui nous a accueilli, la distance à parcourir est de vingt à vingt cinq kilomètres. En voiture, 20 ou 25 c’est du pareil au même, à pied, chaque hectomètre au-delà des 20 kilomètres annoncés sont lourds, pesants, épuisants…

Nous l’avons fait ce raid, avec sur le dos paquetage et barda. C’était dur, très dur sur le coup ! Mais qu’est ce que l’on est fiers, après, lorsqu’on le raconte à ceux qui n’en étaient pas !

* *

*

De façon moins fréquente, nous eûmes des occasions de voyages en brousse. Au cours du premier séjour, à Brazza ces occasions furent peu nombreuses la raison principale que j’y vois, a posteriori, est le manque de véhicule adapté à la circulation en brousse. Bien noter qu’aller en brousse, c’est sortir de la ville, car hors la cité point de route stable, goudronnée ou bétonnée, il s’agit de la piste dont la possibilité d’utilisation est conditionnée par les saisons. En saison sèche, après quelques kilomètres il faut gérer la poussière qui envahi tout et met sur chaque visage un masque grotesque, en saison des pluies il faut gérer cette fois les fondrières qui embourbent les véhicules jusqu’aux essieux.

Au cours du premier séjour, nous n’avions qu’un camion pouvant transporter la famille élargie. Par famille élargie j’entends les Guitard, les Bougaud et toute autre tribu que Roger Bourgaud estimerait opportun de nous associer. Louis Guitard opine devant Roger Bourgaud et Yvonne Guitard s’étrangle… Elle s’étranglera fréquemment, mais cela ne l’empêchera pas de médire, sinon de mal dire !

Ma mère, au cours de ces premières années africaines, a développé vis-à-vis de Roger une haine incommensurable.

Roger décide, Louis opine, Yvonne bouillonne…

Camion de la SVP 51-54 Brazzaville,avec les familles Guitard, Bourgaud et un couple de voisins des « évolués ».

Camion de la SVP 51-54 Brazzaville,avec les familles Guitard, Bourgaud et un couple de voisins des « évolués ».

Au cours du second séjour, Louis est doté d’un véhicule « up to date », une Willys over land ! Cela permettait de sortir plus aisément de la ville… Par parenthèse, au cours de ces années de ma jeunesse et adolescence je suis allé très souvent en brousse, comme nous disions, nous l’avons vu et nous le reverrons. Toutefois ce fut très exceptionnellement avec nos parents et principalement dans le cadre du scoutisme.

Sur la photo, assis dans la Willys, Papa porte sur ses genoux notre petite sœur « Dominique ». Appuyé sur le marchepied est assis Loulou, mon petit frère, il a comme toujours cet air un peu triste…

Comme moi Loulou est très myope, mais nous ne portons pas toujours nos lunettes, soit parce qu'elles nous gênent pour jouer, soit parce qu’à l’occasion de prises de vue, comme ici, maman nous les retire.(voir, ci-dessus les distributions des prix).

Devant la case, dans la Willys, Papa, Loulou et Dominique.

Devant la case, dans la Willys, Papa, Loulou et Dominique.

La position de Loulou, dans la fratrie n’a pas été facile, j’en ai pris conscience un peu plus tard lorsque j’ai quitté la maison pour l’internat à Saint Louis. Loulou était coincé entre un frère ainé abusivement adulé par notre mère et une petite sœur surprotégée par notre père. Pour lui, peu de place…

Une occasion de traverser le Mayombe (massif forestier entre la plaine côtière de Pointe Noire et le plateau de Brazzaville) nous fut donnée à l’occasion de vacances que nous allions passer à Baratier. En effet, nos parents n’avaient pas le même régime que les fonctionnaires, lesquels avaient la possibilité de rentrer en Europe une fois par an, pour assurer un congé en Europe, il fallait l’avoir gagné… En conséquence, cette année là, il peut s’agir de l’été 55 ou 56 je ne sais plus très bien, nous partons passer quelques semaines dans un camp agricole à Baratier. J’étais associé dans ce périple aux deux frères Arrata, enfants du pharmacien de Pointe Noire, le Docteur Viallatel. Nous sommes partis pour traverser le Mayombe sur deux véhicules, une Land Rover conduite par Mr Viallatel et une 2CV conduite par Yvonne, laquelle a pour passagère la sœur ainée Arrata. Un chauffeur complète l’équipage de la Land Rover.

Sur la route de Baratier. Les frères Arrata le chauffeur et moi.

Vous noterez que les deux frères portent des blousons et moi, sur une marinière, j’arbore un gilet. Il ne fait pas extrêmement chaud en cette période juillet Aout, nous sommes en saison sèche. Au Zénith, le soleil est au nord !

La photo est prise à l’extrémité est de la plaine côtière, à la fin des savanes herbeuses de la côte déjà déforestée. Peu de kilomètres plus loin, en abordant progressivement les pentes du Mayombe, la forêt dense s’interpose progressivement à la pénétration. Tant que l’on voit de nombreux palmiers, nous ne sommes pas réellement en forêt équatoriale. Pour le moins nous sommes au bord des voies de pénétration, routes, voies ferrées, sentiers de brousses qui favorisent la pénétration de ces espèces végétales qui ne sont pas endémiques de la forêt primaire.

Une halte dans le Mayombe.

Une halte dans le Mayombe.

Ce séjour à Baratier, qui doit se situer dans le Kouilou-Niari, m’a laissé de surprenants souvenirs que je relate sans en rechercher une vérification, en utilisant par exemple par exemple les outils de recherche informatique maintenant disponibles, non, je souhaite relater mon souvenir et je ne cherche pas à le qualifier de certain. C’est, ce sont les réminiscences qui me restent de passé merveilleux et non pas des témoignages d’une vérité indiscutable.

Ce séjour donc, à Baratier, fut l’occasion de vivre au milieu d’une communauté de « blancs » venus s’installer là depuis peu d’années, juste après la seconde guerre mondiale. Sept à huit ans plus tôt, probablement. Il s’agissait de quelques familles ayant appartenu à un maquis de la résistance, qui à la fin du conflit en Europe décident de ne pas se séparer et l’aller planter leur camp dans l’une des colonies de de ce qui était encore l’Empire. Cela ressemble étrangement à cet élan qui a poussé Roger Bourgaud, ses deux beaux frères (Rivat, je crois me souvenir) ainsi que mon père, a prendre femme et enfants pour aller peindre l’hôpital de Brazzaville ! (Lequel, rappelons le, n’était pas encore sorti de terre lorsque nous arrivâmes sous ces cieux…).

Ce maquis donc, transporté au cœur de l’AEF, se lance le long de la vallée du Kouilou dans l’élevage bovin ! C’est étrange de tenter ceci dans une zone de l’Afrique réputée pour son inaptitude à l’élevage des bovins du fait de la présence endémique de la mouche Tsétsé ! Ils étaient tombés, en connaissance de cause ou non, ça je l’ignore, sur l’un des seuls territoires de la région où cette plaie n’existait pas. La légende dit que ces paysans immigrés ont formés des éleveurs locaux auxquels, après une période de bons et loyaux services, étaient confiés un jeune male et deux génisses pour leur permettre de développer, ici ou là, leur propre troupeau… Légende, pieux projet que ceci, je ne sais !

Le gardiennage d’adolescents pendant la période des vacances scolaires devait constituer pour cette communauté isolée en brousse un moyen financier complémentaire. Probablement pas très lucratif compte tenu de la médiocrité des revenus familiaux.

Cette remarque sur la pauvreté supposée de notre famille m’impose un commentaire !

J’ai commencé, en ces jeunes années, à réaliser que nous vivions encore et toujours de façon spartiate. Au début du premier séjour, cela ne m’a pas interpelé. Ils avaient raclé les fonds de tiroir pour partir à l’aventure au fin fond de l’Afrique ? Au cours du second séjour qui ne se limitait pas à deux ans, comme c’était l’usage, mais qui conduisait à entamer une troisième année, j’ai réalisé qu’il s’agissait d’éviter le coût d’un retour au pays, mais pourquoi ?

S’expatrier, c’est trouver la fortune ! Donc de retour au pays, en congés, l’expatrié doit montrer qu’il a fait fortune. A l’époque, il faut qu’il affiche son ascension en ayant une belle voiture, avec des plaques rouges indiquant le transit temporaire (je suis là, mais je repars…). A la fin du premier séjour, l’expatrié achète un terrain sur lequel il projette de s’installer fortune faite pour assurer ses vieux jours. Au cours du second séjour, il convient de racler tous les centimes qui permettront de payer les murs de la maison que l’on fait construire aux yeux de tous au « Village ». (je reviendrai sur cette allusion au »village »).

Voilà pourquoi, au cours de ce second séjour et plus tard au cours du suivant j’ai toujours eu le sentiment que mes parents n’étaient pas là ! Ils trimaient pour une chimère…

* *

*

Au cours de ce séjour à Baratier, j’ai vécu de nombreuses et merveilleuses expériences de vie, qui étaient en parfaite adéquation avec l’instruction qui nous avait été communiquée à travers le scoutisme.

Un premier exemple est celui de la douche matinale journalière. Notre famille d’accueil, trouvait ce rite normal et salutaire. La seule réserve est que nous n’avions droit pour ces ablutions qu’à un seau d’eau tiède que nous devions transporter nous même jusqu’au lieu de ce cérémonial.

Moins de trois jours après le début de cet usage, j’avais trouvé l’ordre et la méthode pour tout faire avec moins de de dix litres d’eau. On comprend très vite qu’il est préférable de commencer par se laver les dents si l’on souhaite le faire avec une eau propre. Qu’il est bon d’adjoindre au seau un large gobelet qui permettra, après s’être savonné tout le corps, de se rincer très correctement. La moralité de tout cela est qu’après une première semaine de cet apprentissage il était possible de se doucher aussi bien qu’au premier jour, mais avec seulement cinq litres d’eau !

Une seconde expérience qui reste présente à mos esprit est la première rencontre avec un « Nioka » géant.

Un après midi, je remontais nonchalamment l’allée centrale de la concession, bordée des huit ou dix cases constituant l’essentiel du village, la torpeur de ce début d’après midi fut brutalement déchirée par les hurlements stridents d’une petite fille apeurée dévalant le chemin. Elle criait « Nioka, Nioka ! ».

Nous ne connaissions que peu de mots des langues vernaculaires, qu’il s’agisse du Lingala ou du Munukutuba, mais « nioka » ça nous savions.

C’est l’alarme au serpent…

Difficile d’obtenir de notre petite congolaise effrayée une quelconque explication cohérente, la peur, la panique ne permet pas les bons mots.

Le commandant de cercle, lui, n’a pas eu besoin de longues explications, quelques minutes après l’alerte il est sur le terrain, son puissant fusil dans la main gauche et la gamine en pleur sur son bras droit.

Il lui parle doucement à l’oreille, entre deux sanglots étouffés et malgré le mouchou qui orne sa petite lèvre, elle lui répond toujours à son oreille ; il s’approche lentement, mais de façon déterminé vers un petit massif de broussaille qui s’est construit autour d’un jeune rônier, l’homme dépose délicatement la gamine sur le sol, manœuvre la culasse de son arme de chasse et à pas feutrés s’approche de cette touffe de végétation au milieu du village…

Un long temps, puis un tir sec, le chasseur se recule et devant nous les broussailles s’agitent, se contorsionnent, sur une large surface le bosquet semble avoir mal !

Le bras du chasseur sur le coté nous intime l’ordre de ne point bouger de ne point surtout avancer…

Après de très longues minutes nous fûmes autorisés à débusquer le géant foudroyé. C’était un très gros python qui une fois extirpé des broussailles a révélé en son milieu une énorme bosse incongrue. Comme dans « Tintin au Congo » !

Plus tard quand la bête morte, libérée de ces contorsions interminables que montre les serpents, les canards, ou autres après que l’on ai coupé leur tête, nous avons su que l’horrible bosse était tout simplement un cabri consommé dans les heures précédentes !

Nous avons porté le trophée à neuf personnes côte à côte, la longueur de ce monstre était très supérieure à cinq mètres et sont poids supérieur à quatre vingt kilos. Le poids de l’agneau y était pour le compte.

* *

*

Je ne saurais clore l’étape de ces vacances sans mentionner que dans l’aventure, à l’occasion de voyage aller, maman, en compagnie de la sœur ainée des frères Arrata dans la fameuse 2CV, avait complètement disparue. Sachant, grâce à radio trottoir, qu’elles n’étaient plus devant nous, nous avons rétropédalé et les avons retrouvées un peu cabossées, hébétées, chancelantes à pied à la sortie d’un pont qu’elles avaient un peu raté et s’étaient retrouvées au fond du marigot. La 2CV fini. Maman avait fait le Mayombe !

La fin de ce séjour à Pointe Noire mérite un prochain chapitre…

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L
Jacques Le Coz,mom mari vient de revivre son adolescence entre Brazza et Pointe Noire.Texte emouvant!
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D
Merci, mais encore, qui quand où etes vous?