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Mes souvenirs à partager: une jeunesse en Afrique Equatoriale Française AEF, Une vie de famille, et la suite...

Tome 1 : (UJA) Chapitre 10 : Eté 1957 Europe

Chapitre 10

Congés en Europe

Eté 1957

Donc, retour en Roussillon…

Cette fois, encore, nous habitons à Canet Plage, dans un appartement… Je vais rester ici un peu plus de trois mois.

Les journées se passent en baignades sur la plage au voisinage du Club Nautique, face de la villa des X… , bijoutier à Perpignan, non loin de l’Hôtel Fond , extrême limite vers le sud du front de mer, en ce temps là.

Les fins d’après midi se passent le plus souvent au « Skating ». Cet établissement se trouvait non loin du château d’eau, face à la gare, terminal du Tramway Perpignan-Canet, actuellement la Poste principale de Canet.

Le patin à roulette est l’argument de ce lieu de regroupement, de la jeunesse et des moins jeunes. J’ai le souvenir d’un vieux beau, aux tempes plus que grisonnantes, presque blanches, qui valsait élégamment au milieu de cette foule désordonnée de patineurs pas toujours adroits. Voir cet homme onduler gracieusement au rythme de la musique d’ambiance avait quelque chose de fascinant.

J’ai, pour ma part souvent tenté d’imiter cette facilité de patinage et ne croit jamais avoir pu m’en approcher…

Les camarades que nous rencontrions étaient pour l’essentiel les relations de ma cousine Sylvie. En effet, je ne connaissais personne exception faite des frères Aspar, surtout de François Aspar, qui était dans ma classe en 6ème et avec lequel j’avais fait ces mille et uns voyages en tramway.

Les Aspar des métis franco-vietnamiens, ils habitaient une ancienne villa, en seconde ligne dans le nord de Canet, non loin de celle de la famille Marti qui elle était en front de mer. La maison des Aspar s’appelait « Bien Hoa» si je me souviens bien. Nom qui est certainement celui d’une ville de notre ancienne Indochine…

* *

*

Au cours de cet été 1957, un autre évènement nous a très fortement occupés. Les deux familles Guitard Louis et Péjouan Charles partent à la découverte de l’Espagne.

Sont du voyage, du coté Péjouan, Charles et Andrée, ma tante paternelle, leurs enfants, à savoir Bernard, Alice et Sylvie, cohorte à laquelle est adjointe la très belle fiancée de Bernard, Monique ; du coté Guitard, Louis et Yvonne et leur trois enfants, Dominique (je crois), Loulou et moi.

Nous voilà partis à travers cette Espagne encore très mystérieuse à l’époque, car sévèrement isolée du reste du monde depuis vingt ans.

De Perpignan, nous voilà en route vers Madrid, les premières réactions notables vinrent de maman, lors d’une halte un peu au-delà de Saragosse.

  • Aie ! ce ne sont plus des espagnols ici !

Curieux de mieux comprendre cette remarque lancée à la cantonade, j’émets un « Pourquoi ? »

  • Je ne les comprends plus !

Depuis son passage à Majorque, maman est persuadée que les espagnols parlent comme elle et surtout qu’elle les comprend. Les gens des Baléares, sont des espagnols, ils parlent catalan, donc les espagnols parlent catalan… Maintenant que nous venons de dépasser Saragosse, elle ne les comprend plus, donc ce ne sont pas des espagnols…

Autre surprise, le long des routes fraichement goudronnées, circulent une multitude d’ouvriers couverts de larges chapeaux de paille, réalisent des terrassements, chargeant à l’aide de paniers aussi de pailles les énormes bats qui reposent sur dos de petits ânes. Voila qui renforce les certitudes d’Yvonne qui font de tout autre des sous hommes…

Le monde de ma mère a toujours été parfaitement simple :

  • Elle et les siens (enfants) sont les meilleurs, les autres des mauvais !
  • Sa famille est la plus méritante, les autres ne peuvent valoir autant.
  • Les français sont aptes à tout et plus performants que les autres nations.
  • Les blancs sont naturellement au dessus des autres…

Yvonne, ma mère est instinctivement raciste. A mes yeux elle n’a jamais réfléchi à estomper les différences dans ses jugements sur les hommes.

Plus tard, beaucoup plus tard, j’ai compris que ce qui se qualifie très naturellement dans ce cas de « Racisme », ne sont en fait que les manifestations irraisonnées d’une peur viscérale de l’inconnu…

Yvonne a maitrisé très jeune un métier « Couturière », avec un immense talent. Elle n’a jamais eu le temps, le goût ou l’opportunité de se cultiver. Je soupçonne même mon père d’avoir insuffisamment essayé de la pousser vers ce versant gratifiant de l’éducation. Il ne lui était pas désagréable d’être admiré par une aimante inculte.

Ce jugement est dur, mais il est probablement assez proche d’une certaine réalité.

Partie en Afrique en 1951 et revenue définitivement en France en 1978, j’ai eu plus tard la certitude que ma mère n’avait jamais compris l’Afrique et les africains… Nous y reviendrons, plus tard, beaucoup plus tard.

Pour illustrer et clore cet aparté, rappelons juste une anecdote qui surviendra trente ans plus tard, à l’occasion d’un repas festif villageois, peut être en temps de Noël:

  • Madame Guitard, qui est la jolie noire qui est assise auprès de votre petit-fils ?
  • Ce n’est pas une noire, c’est la femme de mon petit fils!

Tout est dit !

Je précise que je n’étais pas présent et que la diatribe m’a été rapportée.

Revenons à ces routes d’Espagne, que je découvre en cette occasion.

A coté de cette multitude d’ouvriers en chapeau de paille accompagnés de leur petits ânes qui cheminent lourdement chargés de rocaille, nous pouvons voir fréquemment, chaque dix à vingt kilomètres, des couples d’oiseaux de proie ; deux soldats en uniforme vert bouteille, avec baudrier et ceinture noires, l’arme à la bretelle et coiffé de ces chapeaux de Napoléon en carton mâché d’un noir brillant. Ce sont les « Guardias civiles ». La police espagnole, omni présente, est très pesante au début, mais, avec le temps, on fini par l’oublier…On s’habitue à tout semble-t-il !

La première escale sur la route de Madrid de cette traversée trans-ibérique est effectuée dans l’une de ces merveilles de l’ère franquiste que sont les Paradores. Un Parador est un hôtel relativement luxueux, particulièrement dédié à cette époque aux touristes étrangers, qui comme nous envahissent peu à peu ce merveilleux pays refermé sur lui-même depuis 1939 !

Au cours de ce voyage, pour des raisons économiques évidentes, l’usage se fera d’avoir, au-delà des deux couples parentaux, des chambres dédiées l’une aux cousins et l’autre aux cousines.

* *

*

De l’escale madrilène, il me revient deux points essentiels.

Depuis deux ans, je pratique l’espagnol comme deuxième langue. Ce voyage en Espagne exacerbe le goût pour cet idiome tellement proche de la langue maternelle de mes ascendants « le Catalan ». Quelle erreur ! Je ne réaliserai que bien plus tard que le Catalan est aussi éloigné de l’Espagnol que du Français, surtout dans la conviction de ses locuteurs…

Donc à Madrid, nous avons visité « El Museo del Prado ».

La répression est le 3mai 1808, alors que la révolte est le 2 mai !F. Goya

La répression est le 3mai 1808, alors que la révolte est le 2 mai !F. Goya

De cet après midi, il ne me reste que deux noms Goya et Velázquez. A y bien réfléchir, pas les moindre !

Goya pour moi c’est « el dos de Mayo » qui illustre à mes yeux, en l’annonçant, le début de la fin de l’épopée napoléonienne, dont je suis déjà à l’époque un ardant partisan. L’image de ces opposants fusillés était dans nos manuels scolaires. J’ai reconnu une autre de ces images relatives à ce grand peintre espagnol, « la Maja vestida », jeune femme lascivement allongée sur un divan douillet. Par contre, la sensualité de « la Maja desnuda » était absente de nos pudiques ouvrages pédagogiques !

Maja desnuda qui n’était pas dans nos livres scolaires !

Velázquez, reste pour moi, le peintre des « Ménines » et autres représentations de cette famille espagnole déclinante…

Il est aussi l’auteur de la « Rendición de Breda », il illustre l’utilité de substituer à cette généalogie espagnole quelque chose. Une lignée Bourbon ? Cela est moins sûr !

Les ménines, Diégo Vélasquez

Les ménines, Diégo Vélasquez

En rédigeant ces lignes, je me suis demandé, pourquoi n’avais-je point évoqué, ici, les lugubres tableaux du « Greco » ?

Dans la suite de mes réflexions, la réponse est venue. Le Gréco qui m’a frappé, ces œuvres sont pour moi morbides, causes de cauchemars. Ces visages allongés dans des teintes sombres et tristes me déplaisent pour ne pas dire plus ! Si j’ai vu des Gréco au Prado, je les ai oubliés. Mais on ne peut les oublier si l’on passe par Tolède !

Une seconde visite dans le voisinage de Madrid est consacrée à l’Escorial. En ma qualité de jeune néo hispanophone, l’Escorial est la volonté de Philippe II, cela raisonne avec « Invincible Armada », mais aussi avec le mystère de ce Grand qui, au faite de sa puissance et peut être de sa gloire, se retire au monastère de Yuste. Tout ce mêle un peu dans ma jeune tête. Après Fernand et Isabelle, puis Charles Quint et Ferdinand, C’est dans ma tête l’Espagne des hidalgos… Il faut dire que l’œuvre de Miguel de Cervantès a été l’hebdomadaire de nos cours d’espagnol, en cette année de 3ème !

* *

*

Comme indiqué plus haut, c’est au court de l’étape suivante que je serai confronté au Gréco. Cette étape est Tolède. L’alcazar de Tolède est dans mon imaginaire en ce temps là, le lieu de gloire des élèves officiers favorables à Franco qui résistent pendant plusieurs mois avant d’être secourus par les nationalistes.

En re-visionnant ces années passées, je constate que jeune, mon idéal tirait vers le fort, le dur, l’exigeant, sans réserve, j’étais un embryon de fasciste, conscient et déterminé. Je voulais tellement sortir de mon environnement immédiat, que tout me semblait bon pour y arriver…

Au-delà de l’Alcazar de Tolède, nous avons eu l’opportunité de découvrir de nombreuses œuvres du Gréco.

Ce qu’il me reste de ce peintre est le souvenir de visages longs, lugubres, dans de tons sombres, violacés…

. Le Gréco, pour moi, ce n’est pas la joie ! Il est vrai que l’ « Enterrement du comte d’Orgaz » n’est pas une œuvre poussant forcément à l’hilarité…

L’étape suivante, toujours plus au sud, est Cordoue.

La Mesquita de Cordoba, Cathédrale installée sur une moquée.

Tolède, un peu, mais surtout Cordoue sont les illustrations de ce que j’ai appris en cours d’espagnol. El Arte Mudéjar, cette expression du confluent artistique des trois religions du livre.

Juifs, Musulmans et Chrétiens ont longuement cohabité dans cette Andalousie. De 785 à 1492, le sud de l’Espagne a vécu ce mélange des talents. Au-delà, les Rois Catholiques Ferdinand et Isabelle chassent Boabdil, le dernier roi musulman de Grenade, et dans la foulée chassent aussi les juifs de cette Espagne, jusque là merveilleusement fertilisée par la conjugaison de ces civilisations complémentaires…

La découverte de l’Amérique, parrainée par Isabelle en accordant sa confiance à Christophe Colomb, a-t-elle compensé cela ?

Quittant l’Espagne, contraints et forcés, les juifs enrichirent l’Europe, et notamment, ils contribuèrent à Montpellier, sinon à la création, du moins à la renommée de l’école de médecine, là en qualité de conversos, de convertis ou de marranes…

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Suite du voyage, cap au sud. Par Algésiras, nous entrons à la Linéa dans Gibraltar. Finie la poésie du moyen âge andalous, nous plongeons, en entrant dans ce confetti britannique, dans l’immédiat après guerre…

En effet, l’entrée depuis l’Espagne se fait par une route qui traverse la piste de l’Aérodrome de Gibraltar, dont le caractère militaire est, à l’époque, flagrant. Des aéronefs aux couleurs militaires bordent la piste…

Un peu plus loin sur notre droite, on aperçoit les installations portuaires Gibraltaises avec un certain nombre de navires qui sentent aussi le militaire. Nous pénétrons dans cette longue rue qui s’aligne sur le flanc ouest du Rocher de Gibraltar. Point de soleil en matinée, le colosse recouvre de son ombre la rue commerçante principale garnie de restaurants, d’hôtels, et autres magasins et habitations…

C’est dans un de ces restaurants que nous dégusterons un excellent repas « castizo de espana » ! Autant déguster à Gibraltar avec des spécialités espagnoles, que de faire semblant d’apprécier, à Gibraltar, des spécialités Britanniques !

Après cela, ce fut une promenade en voiture le long de la route qui chemine sud-nord le long de la crête du Rocher.

Et, là, retour impromptu vers l’Afrique en découvrant ces petits macaques qui peuplent, du coté Européen, l’une des colonnes d’Hercule. J’ignorais jusque là qu’il y eut des singes en Europe ! Je veux dire des vrais ! oui, il y en a aussi sur le Djebel Tarik…

Djebel Tarik (Gibraltar), la montagne de Tarik ; Tarik est le Berbère qui, lors de l’invasion arabe en 700 et quelques, est passé du coté de l’Europe. L’autre colonne d’hercule (près de Ceuta) est le Djebel Mouza, la montagne de Mouza, l’arabe qui lui n’a pas franchi le détroit lors de la conquête ! Anecdote à vérifier, car elle m’a été comptée beaucoup plus tard, trente ans plus tard, dans le Rif marocain à Chefchaouen, par quelqu’un qui était peut être un berbère…

* *

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Nous reprîmes, dès le lendemain, la route du nord. En y repensant, il me semble que ce voyage, jusque là, avait été pensé et organisé par quelqu’un de talent, cultivé, féru d’histoire, etc.

Notre étape suivante fut dans les environs de Motril, vers la station balnéaire de Torrémolino ! Quelle idée pour nous qui venions de Canet Plage

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