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Mes souvenirs à partager: une jeunesse en Afrique Equatoriale Française AEF, Une vie de famille, et la suite...

Tome 1 : (UJA) Chapitre 15 : Première année de galère (Prépa 60-61)

Chapitre 15
Première année de galère (Prépa 60-61)

En cette rentrée de septembre 1960, je découvre un nouvel établissement scolaire, le neuvième depuis le début de ma scolarité. Il s’agit du lycée Marcellin Berthelot à Saint Maur des fossés qui est à une demi-heure de marche de notre logement situé lui, de l’autre coté de la Marne, à Créteil, commune qui sera rendue célèbre dans peu d’années par le magasin ambulant des parents de Sheila, la chanteuse YéYé à couettes !

Une classe d’ENSI1 est ouverte, je fais parti de la première promotion. Il s’agit d’une première de classe préparatoire aux concours d’entrée aux écoles nationales supérieures d’ingénieurs. L’équivalent d’une hypotaupe, à l’intention des élèves un peu moins doués…

Promo 60-61 ENSI 1 Lycée Marcelin Berthelot

Promo 60-61 ENSI 1 Lycée Marcelin Berthelot

Sur la photo de promotion, je suis au quatrième rang deuxième à partir de la gauche, affublé de lunettes à verres fumés que m’impose ma mère (Cela te va mieux !). De cet ensemble de galériens, je n’ai que très peu de souvenirs précis.

Au quatrième rang, cinquième à partir de la gauche, je reconnais Gérard Lacourly qui deviendra quasiment un frère. Nous irons ensemble en deuxième année de prépa dans le même bahut et intègrerons en 3/2 la même école d’ingénieur. J’aurais 15 ou 20 ans plus tard le désarroi d’apprendre l’injuste décès de cet ami sincère…

Au premier rang, troisième en partant de la gauche en blouse blanche, je vois Unger, (Michel, je crois…). Ce camarade de classe, par sa présence, sa pertinence, par la justesse et la clarté de ses réponses, à tous propos, scientifiques bien sûr, mais sociaux, politiques ou autres, m’a convaincu sans ambigüité, qu’il y avait des gens brillants. Il répondait juste, toujours, étayant ses propositions sur un savoir digéré. Pour ma part, je répondais, souvent juste, mais en appuyant mes assertions sur des flashs d’intuition. J’ai compris dans sa proximité ce qu’étaient les hommes simplement intelligents et qu’à leur suite il y avait des hommes intuitivement intelligents, en conséquence moins fiables… J’ai compris là que j’avais du talent, malheureusement insuffisamment dans la conscience et trop dans … le hasard ! (tout cela n’est pas parfaitement dit, mais cela me vient ainsi). C’est dans ces réflexions que l’on comprendra, 18 mois plus tard, ma détermination à intégrer en 3/2, sans espérer une intégration plus prestigieuse en 5/2 ou même en 7/2.

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Une remarque encore, à propos d’Unger… Quelques trente ans plus tard, j’aurai l’immense chance, d’observer, de participer, à la grande synagogue de Nancy, à l’équivalent de ce que nous, catholiques romains, appelons une séance de « Catéchisme ».

Cette réunion associait non seulement des jeunes enfants (garçons), probablement en préparation de la Bar Mitsva, mais aussi des adolescents et des adultes, des pratiquants assidus et même des « goys », moi en l’occurrence, avec parmi ce petit monde deux ou trois rabbins, difficile à identifier par moi.

Les deux heures qu’a duré cette assemblée ont été consacrées à une discussion particulièrement ouverte à chacun des participants, à une question, d’importance majeure semble-t-il, qui était à peu prés la suivante : « lorsque Moïse reçoit du Seigneur les tables de la loi, était-ce « sur » ou « sous » le Mont Sinaï ? ».

« Sur », je comprends, il suffit à Moïse de monter sur le Mont et de s’entretenir avec le seigneur. Quoi de plus naturel !

« Sous », je comprends moins bien, mais dans les argumentaires, il n’était pas exclu que le seigneur ait permis de soulever le Mont afin que Moïse, accédant sous le Mont, puisse y recevoir les tables…

De cette réunion, plusieurs réflexions me sont venues, certaines dans les jours qui suivirent (on est en 1979…), d’autres plusieurs décennies plus tard !

- Cette communauté, semblait avoir pour acquis indiscuté, voire indiscutable, « Dieu Existe ! ». Mais au-delà, quel que soit le membre de la communauté, enfants, adulte ou rabbin, toute proposition pouvait être formulée sans interdit et discutée de façon contradictoire, sans autorité présupposée du père sur le fils ou du Rabbin sur quiconque.

J’ai pris conscience de l’incommensurable différence qu’il semblait y avoir entre l’instruction religieuse d’un jeune juif et celle d’un jeune catholique romain…

Moi, jeune catholique, servant la messe, je n’étais pas autorisé au cours de l’office à porter le livre saint de la gauche vers la droite de l’autel, avant la lecture de l’évangile du jour. Le profane ne pouvait lire ce livre sans l’intercession du prêtre…

A la synagogue, tout un chacun, était autorisé à commenter la Torha !

D’un coté, le droit, sinon l’obligation, de commenter les textes supports aux croyances de la communauté. De l’autre, l’asservissement au dogme indiscutable, transmis par l’intercesseur, le Prêtre.

D’un coté, la religion cultive l’intelligence propre, soumettant l’individu à l’épreuve du débat discursif ; de l’autre, le dogme indiscutable est imposé, via la classe des prêtres, au croyant qui y perd sa liberté, son autorisation de penser.

Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai compris pourquoi, dans ma façon de penser, une part abusive était laissée par moi au hasard, à l’intuition… C’était l’un des moyens inconscients de braver l’interdit.

Mais alors, dans cette compétition vers les concours d’entrées aux grandes écoles, comment lutter ? Trop tard, il faut faire avec ce que l’on est, alors… Alors, comment s’en sortent les jeunes issus des communautés chrétiennes réformées ? Je ne sais pas, mais cela mérite réflexion.

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A ce propos revenons aux classes préparatoires, 1/2, 3/2, 5/2, 7/2… Ceci veut désigner l’année au cours de laquelle tu intègres à Polytechnique (ou pas !).

Le numéro de cette année X est calculé à partie du quantième n de l’année supposée de l’intégration.

Tome 1 : (UJA) Chapitre 15 : Première année de galère (Prépa 60-61)

Remarquons que les heureux élus qui sont en 3ème année de préparation sont donc en 5/2, on dit aussi que ce sont des Carrés. Là, je ne sais pas pourquoi !

Il y a aussi des entêtés qui repiquent une 3ème fois la taupe, tout cela pour accéder à l’école de leur choix suprême (l’X, Normale Sup !). Ce sont alors des 7/2 ou des Bicarrés…

L’année suivante 61-62 j’ai cru comprendre que les 9/2 n’étaient plus autorisés…Comment concevoir de sacrifier 5 années en classe préparatoire ? sans garantie aucune de décrocher le gros lot !

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Revenons à la photo de promotion.

Au deuxième rang, 5ème à partir de la gauche, un beau gosse, Pierre Livory, perdu de vue pendant près de 50 ans et retrouvé par hasard sur internet comme membre de « Copains d’avant ». Après avoir fait l’Ecole Supérieure du Bois, il est devenu architecte naval…

. Etrange et intéressante destinée, particulièrement pour moi qui deviendrait chercheur en Sciences du Bois, notamment du point de vue mécanique. Vous trouverez, sur l’un ou l’autre des sites internet, une photographie de ce viking aux yeux bleus et à la crinière déjà blanche emportée dans les risées sur son voilier…

Premier rang, premier en partant de la droite, est assis un Philippe, disparu de mon univers pendant une vingtaine d’année.

En 1982 au printemps, pénètre dans mon bureau l’un des enseignants ingénieurs-vacataires qui interviennent dans les formations de l’Ecole d’Ingénieurs que je dirige au fin fond de l’Afrique, l’ENSPY au Cameroun.

-Monsieur Duquesnel, je suis ravi de vous rencontrer.

- Monsieur le Directeur, ce plaisir est partagé. Toutefois, je vous transmets les sincères salutations de mon frère, spécialiste d’Histoire, qui vous a très bien connu…

- Je suis désolé de ne point avoir de souvenir d’un Dusquesnel historien, en revanche, vous je vous connais, je peux même dire que nous avons vécu de façon proche et longtemps !

Les trois quart d’heure d’explorations de nos souvenirs mutuels ne nous ont pas permis d’aboutir à un résultat convaincant. A ma demande, il est convenu de sacrifier une fin d’après midi, autour de quelques cocktails, pour élucider ce mystère.

En fin de semaine, en compagnie de nos épouses et quelques uns de nos enfants, nous avons méthodiquement procédé au réexamen des dates et lieux qui auraient permis de nous rencontrer. Trente minutes plus tard, je m’exprime d’un accent péremptoire :

- Une seule solution ! 1960-1961, Lycée Marcellin Berthelot, Saint Maur des Fossés…

- C’est mon lycée, s’écrit-il !

Nous avons ainsi résolu l’importante question du jour. Nous n’avions passé que 300 jours à user nos culottes de velours sur les bancs de notre 1ère Année de Prépa. Quand à son frère historien, je n’ai jamais su d’où venait cette légende.

A l’automne suivant, de retour de congé en France, Philippe pénètre avec autorité dans mon bureau, traversant le barrage en principe infranchissable que maitrise généralement Francisca, ma secrétaire :

- tu avais raison ! Voila la photo de promotion, me dit-il, en brandissant le document reproduit ci-dessus !

Un autre évènement me lie à Philippe, en effet quelques semaines plus tard, au cours de la première semaine de novembre 1982, j’ai du abandonner précipitamment un cocktail organisé chez lui, pour aller prendre les consignes près l’Ambassade de France, suite à l’évènement stupéfiant annoncé par Radio-Cameroun, la démission du Président Ahmadou Ahidjo.

Pour en finir avec la photo de promotion, deux camarades m’ont grandement interpelé. Je ne sais plus leur nom, la fille est assise à la gauche de notre professeur de mathématique (Milieu du rang1), le garçon est rang 2, premier à partir de la droite. Leur particularité, ce sont des redoublants… Ils sont pour la deuxième fois en hypotaupe ! Pourquoi ?

L’obstination de certains est hallucinante. Comment dans un processus de sélection fondamental, dont l’unité de temps est l’année, peut-on penser qu’en remettant sur métier, l’ouvrage sera meilleur ? J’ai toujours pensé que les étapes des classes Prépa ne sont pas pour classer les gens au sein de la promotion, mais pour donner à chacun l’occasion d’évaluer sa propre mesure.

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Quelle vie dans ce lycée ?

Des mathématiques dispensées par un professeur déjà âgé qui étrennait, à cette occasion, une première année d’enseignement à ce niveau.

De la physique et de la chimie dispensés par une femme jeune, au plus la quarantaine, grande, brune autoritaire…

Des autres enseignants, aucun souvenir ; il y en avait probablement mais cela ne m’a pas marqué. Il est sûr, qu’ici ou là, on nous enseignait d’autres matières, Français, Anglais,… Point de souvenir, l’essentiel était ailleurs.

Les mathématiques, deux grands domaines :

- Ce qui relève de la géométrie, géométrie descriptive, la vision dans l’espace. Aucun problème et surtout un malin plaisir en ces domaines. Ce ne sont pour moi que des jeux.

- Ce qui relève du calcul algébrique ; sur le fond pas de problème, dans les faits, mes carences fondamentales en orthographe réapparaissent dans ces exercices…

- Concernant les sciences physiques, c’est un réel plaisir que de naviguer en ces domaines. L’expression mathématique du problème étudié verrouille l’explication envisagée.

- La chimie, c’est intéressant, même très intéressant, mais à cette époque là, je n’avais pas compris qu’il y avait derrière tout cela, une logique. Oui, une logique quand on a tout compris, tout appris. A cette époque, je pensais qu’en matière de chimie il fallait savoir, apprendre.

Au-delà de ces matières présumées fondamentales, il en était une qui m’avait depuis toujours servi d’équilibre, le sport…

En terminale, à Perpignan, ce fut l’haltérophilie qui m’avait valu de participer au championnat de l’Académie à Montpellier, avec succès.(130,105, 95) , (Pour les profanes : Epaulé-jeté 130 kg, Arraché 105 kg, Développé 95 kg).

Au cours de cette 1ère année de Prépa, c’était sport au bahut et à l’occasion de chaque week-end, tous les samedis et de nombreux dimanches, athlétisme à la VGA St Maur (Vie au Grand Air de Saint Maur des Fossés). J’ai rapidement été intégré à l’équipe d’athlétisme comme « Homme à tout faire ».

Mes talents de sauteur en hauteur, avec l’âge, n’étaient plus aussi prometteurs que lorsque j’étais minime. Je n’ai jamais sauté, officiellement, au dessus de 1m70.

Au sprint, je pouvais occasionnellement servir de doublure, notamment dans les relais (4x100m). Ceci m’a notamment valu une blessure à l’occasion d’un meeting en banlieue parisienne : l’une des pointes d’un partenaire de relai a provoqué une estafilade sur la partie interne de ma cheville gauche, cicatrice inoubliable car toujours visible 50 ans plus tard.

Cette année là, j’ai particulièrement développé mais compétences au lancer du poids. J’ai alors tutoyé les 14 mètres.

A l’occasion des compétitions régionales, cette saison m’a conduit à découvrir les terroirs…

Parmi, les vedettes majeures de notre club, la VGA, il y avait des pointures. Michel Jazy figure parmi les plus célèbres, Marthe Bretelle était un gigantesque lanceur de disque (faut-il féminiser : une gigantesque lanceuse de disque ?). Elle avait dans ses élans une impressionnante envergure.

Chose extraordinaire, parmi les multiples lieux où nous sommes allés nous confronter au cours de cette saison 1960-61, figure le stade de la pépinière de Nancy. Rien ne me laissait prévoir que dans moins de 400 jours je résiderai dans cette ville pendant un bon quart de siècle !

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Compte tenu des évènements qui se sont déroulés en début de l’année 1960 à Alger, la rébellion d’un « quarteron de généraux à la retraite » ! Il devient de plus en plus urgent de résoudre le problème de mon éventuelle incorporation dans un service militaire plutôt guerrier ! Il me faut reprendre cette préparation militaire avortée, pour inaptitude physique (myopie excessive) et surtout non agrément paternel à me voir éventuellement engagé dans ce que l’on appelle les « lézards ». Je reprends donc une PME, dorénavant indispensable pour obtenir un sursit d’incorporation pour prolongation d’études.

Ce sont donc des samedis après-midi et des dimanches matin qui sont consacrés à cette instruction militaire, dite élémentaire. (Pour être élémentaire, elle l’était ! S’adressant a priori à tous, elle devait être comprise par tous !) Nous nous présentons au portail du Fort de Vincennes en uniforme de préparationnaire : treillis kaki, pataugas et béret noir. Je dis « nous », car pour des raisons de sécurité, nous ne devons circuler en tenue paramilitaire qu’à la condition que nous soyons au moins deux ; jamais seul en uniforme dans la rue. En effet, les « évènements d’Algérie » sont tels que, le FLNA (Front de Libération National Algérien), ne pouvant plus mener une guerre efficace sur le territoire algérien, a résolu de porter un combat de terrorisme sur le territoire métropolitain. Des bombes explosent aux portes de quelques notoriétés, (J. P. Sartre !), devant quelques bâtiments publics, enfin, c’est la joie ! En prévision de ces éventuelles puérilités, les entrées de commissariats, de bureaux de poste, de ministères, quasiment de tous les établissements publics sont obstruées de chicanes constituées d’empilements de sacs de sable et placées sous la garde d’un piquet de soldats armés et un tenue de combat : treillis kaki, bottes et casque. Nos rues se mettent à ressembler aux images de ces vieux films d’actualité évoquant la drôle de guerre, montrant les mesures de protection prises pour la protection des monuments et bâtiments publics contre les conséquences des possibles bombardements manigancés par des méchants chleuhs…

Initiations à la marche, au pas cadencé, au lancer de grenade, au tir à la carabine « Pour un tir de 5 cartouches, en position du tireur couché, en position ! », au parcours du combattant, …Nous avons eu droit à tout ou presque au cours de ces 40 ou 45 demi-journées.

L’important pour moi fut que cette formation soit validée, m’autorisant, notamment en cas de succès au concours d’entrée dans un des grandes écoles, à bénéficier d’une prolongation de sursit jusqu’à la fin de la scolarité.

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La conclusion de cette 1ère année de Prépa, doit être comprise à l’aune de mon ignorance des usages et traditions françaises en ce domaine des classes préparatoires aux écoles d’ingénieurs.

Suite au conseil de scolarité, notre professeur de Math indique successivement à chacun d’entre nous ce que sera sa destinée. Untel ici, untel là, quand à Guitard on lui indique une orientation ENSI2B !

L’orientation A, ENSI2A est à dominante Math, tandis que l’orientation B, ENSI2B est à dominante Physique-Chimie. Pour moi, qui viens depuis peu du fin fond de l’Afrique, je ne comprends que peu de règles en ce pays ! 1 précède 2, de même que A précède B…

- Monsieur, pourquoi ai-je été orienté en B ?

Après un examen minutieux de ses notes notre gentil Prof de Math m’indique :

- C’est votre Prof de Physique-chimie qui a insisté pour cette orientation, convaincue que cela devrait parfaitement satisfaire vos talents.

- Monsieur, y a-t-il opposition à ce que je sois orienté en A ?

Après un nouvel examen de ses notes, ce aimable professeur qui ne pouvait ignorer mes faiblesses en algèbre m’indique :

- Je ne peux m’opposer à votre requête, notamment, compte tenu de votre position en Géométrie Descriptive,.

Voila comment j’ai été orienté en ENSI2A au lieu de ENSI2B…

La suite mérite d’être contée, en illustration de mon inculture des us et coutumes de la métropole.

Nous eûmes, les uns et les autres, à nous présenter officiellement devant le Conseil d’Etablissement pour entendre les conclusions d’orientation nous concernant..

- Monsieur Guitard, le Conseil vous a désigné pour poursuivre en ENSI2A au Lycée Saint Louis.

- Bien, Monsieur le Proviseur !

- Vous ne semblez pas mesurer l’honneur qui vous est fait d’accéder à un tel établissement ?

- heu ! Non Monsieur, Je suis très honoré…

Voila comment je pourrais payer mon ignorance des usages de la métropole. Comment pouvais-je imaginer qu’en m’envoyant en ENSI2A au Lycée Saint Louis, ce jury me faisait une faveur qui méritait un profond «Merci » ?

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Vacances d’été passées à Canet Plage (actuellement dit Canet en Roussillon !, Canet Village et Canet Plage réunis, affichés en une même commune…).

Peter est revenu pour cet été de ses brumes nordiques ! (En fait, point de brumes dans ce Danemark estival). Nous dragons nonchalamment sur les plages de Canet. Je découvre au cours de cet été la belle princesse nordique qui me fera rêver pendant deux années.

Elle est grande, parée d’une splendide et abondante chevelure blonde, encadrant harmonieusement un visage clair, à la mâchoire volontaire, le tout illuminé par une paire d’yeux azuréens ; des lèvres charnues et avenantes que je ne me lassais jamais de dévorer. A propos, nos moments d’intimité me permettent d’affirmer : She was a real blondy! She was also Norvigian from Oslo…

Cet amour d’un été, voué à la belle Lisbeth (Johanson), m’a permis d’agrémenter mes quelques loisirs de l’année de galère number two, par l’apprentissage assidu du norvégien... En fait du Danois, du Suédois ou du Norvégien, je ne sais ! Mais compétences linguistiques en ce domaine ne m’ont jamais permis de détecter de différence significative entre ces trois langues, si toutefois différence il y a !

Cette fin des congés annuels, ce mois d’Août, fut consacrée à une expédition à travers l’Europe. Peter et moi avions décidé de rejoindre le Danemark en « Stop ».

Les trois ou quatre heures passées ce matin là, à la sortie de Perpignan, à tendre notre pousse vers des automobilistes qui rejoignaient en fin de congés leur domicile dans des véhicules bondés de femmes, enfants et bagages…nous ont fait comprendre que même un voyage en stop, cela se réfléchit, s’organise. Quelle naïveté que d’espérer trouver un passage inopiné dans une caravane bondée de gens grincheux qui rejoignent leur sweet home de Bretagne ou de Picardie, après quatre semaines passées sous les feux du soleil méditerranéen !

Nous avons donc rejoint le « centre du monde », alias la Gare de Perpignan, pour prendre un train, via Paris, à destination de Créteil où mon père nous accueillera. Ainsi fut couverte la première étape de cette expédition.

Au plus profond de mon souvenir, il me semble que cette escale parisienne fut marquée par une soirée passée en compagnie de mon père, dans une propriété de la région parisienne. Nous avions, Peter et moi étions invités par notre camarade Llozu chez son père pour une soirée de retrouvailles. Cet évènement nous a convaincu que la folie latente de notre collègue n’était pas une génération spontanée, mais tout simplement un héritage plein et entier. Le père de Llozu, architecte de son état, était fou, complètement fou, lui aussi. Il faut dire que ces gens qui revendiquaient alors leur ascendance de Cerdagne, se reconnaissaient dans le fou de Figueras… J’ai toujours eu du mal avec l’affichage d’une certaine folie, il ne faudrait pas que cela nous gagne… On en est tellement toujours si près!

Le lendemain, avec quelques brumes dans le casque, papa nous a conduits d’un coup de voiture à la frontière Belge. Où, précisément ? Je n’en ai aucun souvenir.

A partir de là, nous n’eûmes plus aucune difficulté pour circuler sur le pouce.

C’est la découverte de la Grand-place de Bruxelles, et du Manneken-Pis, puis, c’est la route vers Anvers et le nord à travers la Hollande. Après avoir laissé derrière nous ces villages typiques d’Edam et de Volendam nous avons emprunté la longue digue fermant la vaste mer intérieure néerlandaise, ces improbables polders…

A la sortie de cette fameuse digue en fin d’après midi nous sommes pris par une camionnette conduite par un joyeux et dynamique artisan, quarante cinq ans, peut être ! Très difficile de converser avec quelqu’un qui apparemment ne s’exprime qu’en Néerlandais, idiome que je pratique bien sûr tous les matins…

Le fait du jour est que notre artisan est un boulanger qui rejoint en début de soirée sa boutique pour préparer sa production de pain et viennoiseries pour le jour suivant. Sans que nous ayons compris quoi que ce soit, arrivé dans sa boutique à quelques encablures de Groningen, l’hote nous fait débarquer avec notre barda et d’autorité nous conduit au premier étage de la boulangerie auquel nous accédons, au sens strict, par une échelle de meunier !

Par quelques gestes, il nous suggère d’étaler nos sacs de couchage adossés au mur du fond de cette mezzanine qui se révèlera être à l’aplomb de son four de boulange…

Nous étions en Août, mais plus en méditerranée ! Au nord de la Hollande, en cette saison, la nuit, il ne faisait pas froid, mais on supportait une petite laine ! Ce fut une nuit douce et parfaitement agréable que cette nuit là, sans compter avec cette odeur douce et rassurante de la farine de blé qui était la seule poussière de notre étagère…

Au lever, nous fumes invités à rejoindre notre hôte et un jeune garçon d’une dizaine d’années autour d’une table, constituée d’un plateau monté sur deux tréteaux, Devant chacun de nous, nous attendait un immense bol de lait fumant encadré d’immenses pains au chocolat et croissants encore chauds…

Chose étrange, alors que nous n’avions pas échangé avec notre père Noël plus de quelques mots en allemand, tant il était enfermé dans son patois néerlandais ; ce matin, nous découvrons que ce gamin se débrouille parfaitement en anglais, qu’il maitrise l’allemand (là, c’est Peter qui peut en juger, car moi, à l’époque, je n’ai pas encore flirté avec la langue de Goethe), et se confond en mille excuses pour me dire qu’il ne connait pas assez de français pour … négocier quoi que ce soit.

Autant que je me souvienne nous négligeâmes Rotterdam qui selon Peter ne présentait aucun intérêt, ayant été complètement détruite par les bombardements alliés au cours de la dernière guerre. Nous avons donc poussé jusqu’à Amsterdam.

C’est une merveilleuse découverte que cette Venise du nord, d’autant plus qu’à l’époque, je n’avais pas la moindre idée de la Venise de Venise (que je ne découvrirai que deux décennies plus tard). Les canaux impressionnent, les gens tous en vélo cela surprend, ces vitrines alléchantes, sinon à lécher ! Même à juste 20 ans, elles sont belles ces vitrines d’Amsterdam…

Là, un brusque aléa dans notre périple de stoppeurs ! Peter est pris d’un embarras gastrique qui lui interdit toute temporisation. Il décide, il impose que nous mettions fin à nos déambulations touristiques. Il n’est plus question de voyager sur le pouce. C’est en train que nous avons rejoint Copenhague. Mon camarade a voyagé dans un silence strict avec une face blême, d’un danois anémié…

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